Macron, leader d’une Europe décomposée

L’influence du président français, qui s’envole à Rome pour sceller la réconciliation avec l’Italie, ne cesse de croître en Europe. Mais vu l’état de ses homologues, ce n’est pas forcément pour le meilleur…

 Le chef de l’Etat cherche à s’imposer en patron de l’Europe à la place de la chancelière Angela Merkel.
Le chef de l’Etat cherche à s’imposer en patron de l’Europe à la place de la chancelière Angela Merkel. AFP/Ludovic Marin

    En s'envolant ce mercredi pour Rome, Emmanuel Macron a une idée derrière la tête. « Il va en faire des tonnes avec le nouveau gouvernement italien pour l'arrimer à notre vision progressiste de l'Europe, résume un ministre de poids. Après la mise à l'écart de Salvini, il veut profiter de cet intermède qui ne durera peut-être pas ». S'il réussit à ramener la trublionne Italie dans le giron européen, le président français, déjà influent sur la nouvelle Commission de Bruxelles, aura les cartes de l'Europe en main. Le média anglo-saxon Bloomberg, prisé des milieux d'affaires, n'a-t-il pas récemment titré sur « l'influence croissante de Macron à Bruxelles »?

    Le chef de l'Etat est-il en passe de s'imposer en patron de l'Europe à la place de la chancelière Angela Merkel? « Macron occupe un vide de leadership, nuance Sébastien Maillard, directeur de l'Institut Jacques Delors (NDLR : auteur, avec l'ancien Premier ministre italien Enrico Letta, de « Faire l'Europe dans un monde de brutes », Ed Pluriel). Entre l'ère Merkel finissante sur fond d'inquiétude économique en Allemagne, la Belgique sans gouvernement, l'Espagne embarquée dans de nouvelles élections, l'Italie et bien d'autres pays du nord ou de l'est aux mains de coalitions fragiles, sans parler du Royaume-Uni déboussolé par le Brexit, la France de Macron apparaît comme un pôle de stabilité ».

    Alors, quand ce président avance des propositions, comme avec sa tribune aux citoyens de l'UE au printemps dernier, ou vante — dans son discours aux ambassadeurs fin août — l'émergence d'une « Europe politique », ses pairs s'agacent ou critiquent. Mais ils écoutent.

    «Sur la défense, Macron pousse pour une véritable autonomie européenne»

    La prochaine présidente de la Commission, la francophone et francophile Ursula Von der Leyen, elle, en tout cas, écoute. « Quand elle proclame que cette Commission sera géopolitique, et crée un poste dédié à la Prospective, elle répond à la perfection à la vision française », relève Maillard. Géopolitique? En clair, plus attentive à la transformation du monde et à la montée de la Chine et autres nouveaux géants, moins arc-boutée sur les sacro-saintes règles UE de libre concurrence.

    « Typiquement, espère un ministre, elle ne reproduira pas l'erreur de la Commission Juncker qui avait retoqué le projet de fusion Alstom-Siemens ». L'Allemande a d'ailleurs programmé l'instauration d'un « procureur commercial européen » qui veillera au respect des traités internationaux du type CETA. « Une idée française », se félicite Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'Etat en charge du commerce extérieur.

    Autre signe de cette influence retrouvée? Le commissariat « taillé sur mesure » pour Sylvie Goulard : Marché intérieur, Industrie, Défense, Espace, autant de priorités stratégiques aux yeux de la France. « Sur la défense, notamment, Macron pousse pour une véritable autonomie européenne, que nous ne soyons pas les vassaux des Etats-Unis », insiste Lemoyne. Encore faudra-t-il que le Parlement européen valide la nomination de l'éphémère ministre centriste de la Défense (mai-juin 2017), aux prises avec le dossier judiciaire des emplois fictifs du MoDem. Tout peut arriver. Le vote des députés, à Strasbourg, dépendra beaucoup des résultats de l'enquête actuellement menée en toute discrétion par l'OLAF (Office européen de lutte contre la fraude).