Le commissaire européen Maroš Šefčovič se rend à Beijing alors que les entreprises du pays sont sous le feu des investigations de l'UE. Mais alors que la guerre commerciale avec les États-Unis s'intensifie, que cherche-t-il dans un rapprochement entre l'UE et la Chine ?
Pour la première fois depuis sa prise de fonction, le commissaire européen au commerce, Maroš Šefčovič, se rendra en Chine les 27 et 28 mars pour rencontrer le vice-premier ministre chinois He Lifeng, le ministre des douanes Sun Meijun et le ministre du commerce Wang Wentao. La visite de Maroš Šefčovič chez le géant asiatique, sur fond de négociations commerciales tendues avec les Américains, sera scrutée de près. Voici cinq objectifs qu'il compte atteindre lors de son voyage en Chine.
1. Envoyer un signal à Washington
"L'UE veut signaler que plus les États-Unis frappent fort, plus ils pourraient pousser les Européens à se rapprocher de la Chine", a déclaré à Euronews Victor Crochet, expert de la Chine au cabinet d'avocats Nishimura & Asahi. Les États-Unis ayant imposé des droits de douane sur l'aluminium et l'acier, et une nouvelle tranche de droits de douane réciproques devant commencer à s'appliquer le 2 avril, l'UE pourrait chercher à resserrer ses liens avec la Chine, la deuxième économie mondiale après les États-Unis.
Cela pourrait être une bonne nouvelle pour le géant asiatique, qui est également touché par les droits de douane américains. "La Chine est celle qui a le plus besoin de l'UE en raison de son excédent commercial vis-à-vis de l'union. Cependant, elle ne le montrera pas, car l'UE se trouve aussi dans une situation compliquée à cause des États-Unis", selon Alicia Garcia Herrero, experte du groupe de réflexion Bruegel.
2. Rouvrir le dialogue diplomatique
La Commission précédente a laissé les relations avec la Chine tendues suite à une querelle sur les véhicules électriques chinois (EV) qui a conduit l'UE à imposer des droits de douane de 35 % sur les importations chinoises. La Chine avait riposté en mettant en place des droits de douane sur le brandy et le cognac européens. Depuis la pandémie de Covid, l'UE s'efforce également de réduire sa dépendance à l'égard de la Chine, notamment en ce qui concerne les matières premières essentielles.
La nouvelle stratégie consiste à "dérisquer par la diplomatie", selon Maria Martin-Prat, directrice générale adjointe de la Commission chargée du commerce. "Nous voulons fonder notre relation avec la Chine sur une combinaison d'engagement, mais aussi de protection", a déclaré la fonctionnaire européenne lors d'un événement à Bruxelles en amont du voyage de Maroš Šefčovič. "Nous avons laissé derrière nous l'idée d'une relation harmonieuse et égale", a-t-elle reconnu à propos de la distorsion du marché et des subventions.
Alicia Garcia Herrero a déclaré que Maroš Šefčovič explorerait les options découlant des mauvaises relations entre l'UE et les États-Unis, mais qu'il arriverait également avec un portefeuille d'enquêtes de l'UE sur les pratiques commerciales déloyales avec lequel il pourrait mettre en garde la Chine.
3. Pousser la Chine à agir sur ses surcapacités
Les surcapacités chinoises sont le cauchemar de l'Europe. "La Chine ne fait rien pour y remédier", a déclaré Maria Martin-Prat. Et avec les droits de douane américains sur les produits chinois, la Chine risque de détourner une plus grande partie de sa production vers le marché européen.
L'acier, le ciment et le bois font partie des principales exportations de la Chine vers les États-Unis qui pourraient être réorientées vers les marchés européens dans le contexte actuel de la tempête tarifaire. "La demande chinoise pour ces produits a chuté en raison de l'arrêt de la construction immobilière", selon Victor Crochet. Les ordinateurs, les véhicules électriques et les énergies renouvelables, telles que les panneaux solaires ou les éoliennes, figurent également sur la liste des surcapacités chinoises.
"Pour remédier aux surcapacités, l'UE souhaite que la Chine passe d'un modèle basé sur les exportations et les subventions aux entreprises à un modèle basé sur son marché intérieur", a ajouté M. Crochet.
4. Lever les barrières pour les entreprises européennes
Les entreprises européennes se plaignent des obstacles qui les empêchent de faire des affaires en Chine. Par exemple, les transferts de données des entreprises européennes basées en Chine vers leurs succursales à l'étranger nécessitent le feu vert de l'Administration chinoise du Cyberespace (CAC). Un accord temporaire a été trouvé en 2023 entre l'UE et la Chine pour accélérer le processus d'approbation, mais comme l'a souligné M. Herrero, "il s'agit d'un problème majeur pour les entreprises européennes qui produisent beaucoup de données, qu'elles soient financières ou liées à des services."
5. Attirer davantage d'investissements chinois
L'UE souhaite attirer lesinvestissements chinois."L'Union européenne est en position de force dans ce domaine", a expliqué Sacha Courtial, expert de l'Institut Delors, à Euronews : "Nous ouvrons notre marché à nos conditions, c'est-à-dire en créant des emplois en Europe et en demandant des transferts de technologie. C'est l'idée derrière la fabrication de voitures électriques chinoises en Europe".
Le géant chinois des véhicules électriques BYD, qui a déjà ouvert un site en Hongrie, envisage d'ouvrir une usine de fabrication et d'assemblage en Europe occidentale afin d'éviter les droits de douane de l'UE.