Accéder au contenu principal
Européen de la semaine

Radoslaw Sikorski de retour aux Affaires étrangères polonaises

Publié le :

La Pologne a tourné cette semaine la page de huit années de pouvoir des nationalistes du parti Droit et Justice. Le pro-européen Donald Tusk a prêté serment comme nouveau Premier ministre. L’ancien président du Conseil européen aura à cœur d’améliorer les relations avec Bruxelles et Kiev. Une tâche qu’il partagera avec son ministre des Affaires étrangères, Radoslaw Sikorski, atlantiste et européen convaincu.

Radosław Sikorski avait déjà été ministre des Affaires étrangères polonais sous le gouvernement de Donald Tusk entre 2007 et 2014.
Radosław Sikorski avait déjà été ministre des Affaires étrangères polonais sous le gouvernement de Donald Tusk entre 2007 et 2014. © REUTERS/Slawek Kaminski/Agencja Gazeta/Files
Publicité

« Je n’ai pas besoin de présenter M. Radoslaw Sikorski. Je ne vous referai pas son CV », a plaisanté Donald Tusk lors de son discours de politique générale devant le Parlement, provoquant les sourires de la salle et quelques applaudissements. Les deux hommes se connaissent bien. Radosław Sikorski, 60 ans, avait déjà servi au même ministère sous le gouvernement de Donald Tusk entre 2007 et 2014. « Il amène d'abord une expérience, mais aussi des contacts des réseaux internationaux parce qu’il est très bien intégré à un establishment international, avec des contacts très étroits avec les États-Unis où il a vécu et travaillé », rappelle Valentin Behr, chargé de recherche au CNRS, rattaché au Centre européen de sociologie et de science politique, qui souligne que Radoslaw Sikroski a épousé en 1992 la journaliste et écrivaine américaine Anne Appelbaum. « C’est le membre le plus expérimenté de la nouvelle équipe », note Lukas Macek, chef du centre Grande Europe consacré à l’élargissement à l’Institut Jacques Delors, « incontestablement, un poids lourd de la politique polonaise et non pas un nouvel arrivant qui devrait se présenter et espérer qu'on lui ouvre la porte ».

Formé à l'université d'Oxford au Royaume-Uni dans les années 1980, où il avait obtenu le statut de réfugié politique alors que la Pologne vivait sous la loi martiale et plusieurs de ses amis avaient été emprisonnés, il rentre au pays en 1989, après la victoire de Solidarność aux élections et la chute du communisme. Il était, à cette époque, correspondant de guerre pour des médias britanniques en Afghanistan et en Angola.

Proche des néo-conservateurs

Atlantiste, Radoslaw Sikorski est très proche des néoconservateurs américains. « Il a été associé à l'American Enterprise Institute, leur think tank, à Washington et au Parlement européen, où il a été élu député en 2019. Il présidait la délégation européenne qui organise le dialogue transatlantique avec le Congrès américain », rappelle Valentin Behr. Parallèlement à ses activités politiques, il a aussi été maître de conférences au Centre d’études européennes de l’université de Harvard et expert au Centre d’études stratégiques et internationales de Washington.

« C’est un peu un intermittent de la vie politique polonaise, qui a longtemps vécu à l'étranger, qui y retourne, qui voyage beaucoup », note Valentin Behr. Un homme de l’establishment avec ses failles. En juin 2014, un hebdomadaire avait rendu publiques plusieurs conversations dans des salons privés de restaurants de Varsovie. On y entendait notamment le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Radoslaw Sikorski, critiquer les États-Unis dans un langage très direct voire vulgaire. « L'alliance avec les États-Unis ne vaut rien. C'est des foutaises complètes ! Elle est même nuisible car elle crée un faux sentiment de sécurité », affirme-t-il, ajoutant : « Nous pourrions entrer en guerre avec l'Allemagne et la Russie et prétendre que tout baigne au motif que nous avons fait une pipe aux Américains ! ». À l’époque, cette affaire douche tous les espoirs de Radoslaw Sikorski de prendre la relève d'Anders Fogh Rasmussen à l'Otan ou de Catherine Ashton à la diplomatie européenne.

Les membres du parti Droit et Justice, désormais dans l’opposition, pourraient aussi être tentés de raviver cette affaire vieille de près d’une décennie. « Il y a une dimension personnelle, ces gens-là se côtoient depuis longtemps et ont beaucoup de choses à se reprocher », affirme Lukas Macek. Ministre de la Défense du gouvernement de Jaroslaw Kaczynski, Radosław Sikorski en avait claqué la porte en 2007. Depuis, les relations entre les deux hommes sont exécrables.

Front de l’Est

Avec le chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt, Radoslaw Sikorski avait été l'un des principaux initiateurs du Partenariat oriental, lancé par l’Union européenne vis-à-vis des anciennes Républiques socialistes soviétiques telles que l’Ukraine, la Géorgie ou la Moldavie. Soutien des autorités arrivées au pouvoir à Kiev après le renversement du président Viktor Ianoukovitch en 2014, il avait participé en tant que ministre des Affaires étrangères, aux côtés de ses homologues français et allemand, aux négociations entre le pouvoir et l’opposition lors de la révolution du Maidan.

Engagé dans l’aide à l’Ukraine en guerre, il s’est déplacé près du front de l’Est pour emmener des véhicules aux unités de l'armée ukrainienne. « Radoslaw Sikorski est un homme qui comprend très bien la politique orientale. Je pense que l'Ukraine bénéficiera d'un nouvel élan grâce au soutien polonais », affirme l’ancien diplomate Pavel Latouchka, figure de l’opposition biélorusse en exil à Varsovie, qui l’a rencontré pour la première fois en 2007 lorsqu’il était ambassadeur de Biélorussie en Pologne. « Il comprend aussi parfaitement ce qu'il se passe en Biélorussie. Il parraine le prisonnier politique Sergei Tikhanovsky, époux de Svetlana Tikhanovskaya. C’est un homme qui n'a pas peur d'exprimer son point de vue, et qui le formule de façon très claire. C'est un homme qui est prêt à prendre des risques », poursuit le chef du groupe d’opposition biélorusse National Anti-Crisis Management.

Excellent anglophone, doté d’une ambition européenne, Radoslaw Sikorski pourrait, après son mandat de ministre être tenté par d’autres horizons. « Il pourrait sans doute encore aspirer à une position internationale de premier plan, estime Valentin Behr, qu'elle soit européenne ou à l'Otan. »

À lire aussiPologne: Donald Tusk présente son discours de politique générale devant le Parlement

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.