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Economie

Réforme des règles budgétaires européennes : la France bientôt sanctionnée ?

Avec la réforme des règles budgétaires européennes, Bruxelles entend laisser un peu plus de liberté aux États membres pour se désendetter. En contrepartie, les sanctions pourraient devenir plus strictes en cas de mauvais résultats. Certains craignent déjà de sévères coupes budgétaires à venir.

Hugo Palacin , Mis à jour le
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a tenu une conférence ce mercredi.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. © Reuters/Johanna Geron

Complexes, rigides, mal appliquées voire obsolètes. Autant de qualificatifs employés depuis des années déjà par nos responsables politiques de tous bords pour critiquer les règles budgétaires de l’Union européenne. Ce mercredi, la Commission européenne a présenté sa très attendue proposition de modernisation de ces règles datant du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), adopté à la fin des années 1990.

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Bruxelles promet davantage de flexibilité et de temps aux États membres pour rentrer dans les clous de ses sacro-saintes règles budgétaires – un déficit public qui ne dépasse pas les -3 % du PIB et une dette publique plafonnée à 60 % du PIB. En contrepartie, les trajectoires économiques de chaque pays seront plus surveillées et les sanctions plus crédibles. La France, dont le déficit (4,7 %) et la dette publique (111,6 %) dépassent largement les seuils fixés, pourrait en subir les conséquences.

Bruxelles promet des règles plus souples…

Cela fait désormais trois ans, depuis mars 2020 et le début de la pandémie de Covid-19, que les très sérieuses règles budgétaires européennes encadrant les dépenses publiques des Vingt-Sept, sont suspendues. Une exception qui arrivera à son terme à la fin de l’année. En l’état actuel des finances publiques des États membres, largement impactées par la crise sanitaire, puis par la guerre en Ukraine, personne n’imaginait un retour à ces règles devenues définitivement obsolètes.

Proactive, la Commission européenne a mis ce mercredi sur la table sa proposition de réforme de cet ensemble de règles budgétaires, réunies au sein du pacte de stabilité, adopté en 1997. Le résultat de mois de travail et de débats entre deux camps, plus ou moins favorables à une stricte rigueur budgétaire. Les limites à ne pas dépasser 3 % de déficit et 60 % de dette publique par rapport au PIB national, inscrites dans les traités européens, demeurent. Mais pour le reste, Bruxelles entend desserrer l’étau sur les bourses des États membres.

Désormais, le mot d’ordre, c’est le sur-mesure. La Commission proposera à tout État membre ne respectant pas l’un de ces deux critères une feuille de route budgétaire s’étalant sur quatre années (voire sept si l’État s’engage à adopter des réformes structurelles et à faire des investissements stratégiques alimentant la croissance), afin de l’accompagner dans la réduction de sa dette. Objectif pour la Commission : permettre à chaque État de s’approprier cette feuille de route, sans envoyer le message à leurs citoyens que celle-ci vient de Bruxelles.

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… et des sanctions plus strictes

Une petite révolution qui fait les affaires de la France, à en croire Andreas Eisl, chercheur en politique économique européenne à l’Institut Jacques Delors : « Le gouvernement français est depuis longtemps favorable à une approche plus "intelligente" des règles budgétaires, qui tienne mieux compte des circonstances propres à chaque pays et qui s’écarte des limites numériques rigides définies sans tenir compte du contexte macroéconomique et budgétaire plus large des pays. Elle a donc été favorable à l’orientation générale de cette réforme jusqu’à présent. »

 La France a été favorable à l'orientation générale de cette réforme jusqu'à présent 

Andreas Eisl, chercheur à l'Institut Jacques Delors

Face aux pays du nord de l’Europe, Allemagne en tête, souvent qualifiés de « frugaux » pour leur rigueur budgétaire, la France a remporté une bataille importante. Mais en y laissant quelques plumes. En contrepartie de cet assouplissement, Bruxelles compte également réformer les sanctions qui guettent les États dont la dette ne se résorbe pas, afin de véritablement les sanctionner, comme le souhaite Berlin. Jusqu’ici, ces sanctions financières étaient très lourdes, les rendant peu crédibles aux yeux des différentes capitales. La Commission les veut désormais plus réalistes. Selon les données publiées par Eurostat en avril, 18 des 27 États membres dépassent au moins l’une des deux limites, et sont donc exposés à d’éventuelles sanctions. La France est donc doublement menacée.

Dilemme entre sanctions et coupes budgétaires

Autre inconvénient en vue pour les dépenses françaises, pour satisfaire Berlin, la Commission européenne a ajouté à sa réforme l’exigence, pour les pays dépassant les seuils, d’un effort minimum de réduction de leur endettement à hauteur de 0,5 % du PIB par an, tant que le déficit sera au-dessus de 3 %. Un point immédiatement critiqué par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances : « Certains points sont contraires à l’esprit de la réforme. Nous sommes opposés à des règles uniformes de réduction du déficit et de la dette. »

Étant donné que la France a enregistré un déficit de 4,7 % en 2022 et qu’elle prévoit de se rapprocher d’un déficit de 2,7 % d’ici à 2027, « une telle "sauvegarde commune" pourrait devenir rapidement mordante », note Andreas Eisl. De quoi faire planer au-dessus de la France la menace d’une véritable sanction financière ? « Cela dépendra également de la rigueur avec laquelle le cadre budgétaire européen réformé sera appliqué », juge le chercheur à l’Institut Jacques Delors.

Plus que de supposées sanctions, ce qui suscite l’inquiétude de la députée européenne insoumise Manon Aubry, c’est le risque de coupes budgétaires d’ampleur qui guette la France. « Si les sanctions s’appliquent vraiment, cela annonce une décennie d’austérité qu’on n’a jamais connue », craint la parlementaire. « Si l’outil dissuasif devient coercitif, les États, menacés par les sanctions financières de Bruxelles, vont se forcer à couper dans les dépenses publiques et nos services publics en subiront les conséquences dramatiques : moins de médecins aux urgences, plus d’enfants par classe, moins d’investissements dans la transition écologique… Le prix à payer va être extrêmement cher. »

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