Slovaquie : le populiste Robert Fico gouvernera avec l'extrême droite
Vainqueur des élections législatives du 30 septembre, le leader populiste qui veut remettre en question l'aide militaire à l'Ukraine forme une coalition avec un parti de gauche et les nationalistes d'extrême droite pour diriger le pays.
Par Vincent Collen
C'est désormais certain. Le populiste Robert Fico, qui inquiète l'Europe avec ses prises de position hostiles à l'aide militaire à l'Ukraine, sera le prochain Premier ministre en Slovaquie. Le chef du parti Smer a annoncé ce mercredi un accord avec l'extrême droite et un parti de gauche en vue de former une coalition gouvernementale.
Le Smer est arrivé en tête des élections législatives du 30 septembre dernier, avec 23 % des voix, loin devant les centristes pro-européens de Slovaquie progressiste menés par Michal Simecka. La présidente de la République avait donc désigné Robert Fico pour réunir une coalition majoritaire. « Nous nous sommes mis d'accord pour former un gouvernement ensemble », a-t-il déclaré à la presse. L'accord de coalition et les noms des ministres seront présentés « dans peu de temps ».
« Plus une seule balle » pour l'Ukraine
Robert Fico , 59 ans, qui a déjà été Premier ministre de 2006 à 2010 et de 2012 à 2018, revient donc au pouvoir. Il gouvernera avec le parti de gauche Hlas de Peter Pellegrini, ex-Premier ministre lui aussi, et le parti nationaliste d'extrême droite SNS. Ensemble, les trois formations politiques contrôlent la majorité absolue des sièges à la chambre unique du Parlement (79 sur 150).
La coalition sera-t-elle solide ? « Arithmétiquement et politiquement, d'autres coalitions sont possibles au Parlement », souligne Lukas Macek, de l'institut Jacques-Delors. Il suffirait que Hlas décide de quitter l'alliance pour faire tomber le gouvernement. « Les surprises et les retournements de ce genre sont fréquents en Slovaquie », ajoute-t-il.
Lire aussi :
DECRYPTAGE - Ukraine : la poussée nationaliste de Varsovie
CHRONIQUE - La Pologne va-t-elle divorcer des valeurs européennes ?
Pendant la campagne électorale, Robert Fico a promis que la Slovaquie n'enverrait « plus une seule balle de munition » à l'Ukraine. Il a aussi déclaré que son pays avait « des problèmes plus importants » que l'aide à Kiev.
Ses relations avec la Russie sont pour le moins ambiguës, il a appelé à de meilleures relations avec Moscou. La Slovaquie, frontalière de l'Ukraine, était jusqu'à présent l'un des piliers de l'aide à Kiev au sein de l'Otan et de l'Union européenne.
« Robert Fico s'appuie sur le sentiment pro-russe d'une partie de la population, imputant aux Etats-Unis la responsabilité de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, souligne Corinne Deloy dans une note récente pour la Fondation Robert-Schuman. 30 % des Slovaques seraient russophiles selon les dernières enquêtes d'opinion. »
« Retour aux traditions »
Robert Fico affiche aussi son hostilité à des politiques européennes majeures comme la gestion des migrations et la lutte contre le changement climatique. Il cible également les droits des minorités LGBT.
La Slovaquie pourrait devenir une alliée objective de la Hongrie et/ou de la Pologne pour s'opposer aux consensus, déjà fragiles, que les Vingt-Sept parviennent à former à Bruxelles sur ces dossiers.
« Parmi les pays d'Europe centrale, la Slovaquie était jusqu'à présent considérée comme un bastion pro-européen, c'était d'ailleurs le seul pays de la zone à avoir rejoint l'euro », rappelle le chercheur de l'institut Jacques-Delors, qui évoque la possibilité d'un « basculement » vers des positions plus hostiles à l'Union européenne avec le retour de Robert Fico au pouvoir à Bratislava. Même si la présence de Hlas au sein de la coalition « poussera le nouveau gouvernement à la modération », selon Lukas Macek.
Vincent Collen