Le programme Erasmus est l'un des succès les plus incontestés de l'Union européenne. Créé en 1987 sous l'impulsion de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, il a permis en 30 ans à plus de 3 millions d'étudiants d'aller suivre une partie de leurs études dans une université d'un autre État membre. Le trentième anniversaire d'Erasmus, célébré dans un contexte de fort taux de chômage des jeunes en Europe, doit être une occasion pour réfléchir aux possibilités de renforcer la contribution de ce programme à l'emploi des jeunes européens.
Le programme Erasmus a été rebaptisé en 2014 d'"Erasmus Plus" et inclut depuis non seulement la mobilité des étudiants universitaires mais également celle des collégiens, lycéens, stagiaires, apprentis et bénévoles. Ce nouveau programme devrait permettre à plus de 4 millions de jeunes de profiter, d'ici 2020, d'une expérience de mobilité.
La mobilité apporte aux jeunes de nombreux bénéfices personnels : ils découvrent un nouveau pays et une nouvelle culture tout en développant leurs compétences (notamment linguistiques). La volonté d'améliorer leur employabilité est également l'une des principales motivations des étudiants Erasmus. Les évaluations du programme confirment l'impact positif de la mobilité sur le parcours professionnel des jeunes : les anciens étudiants Erasmus ont deux fois moins de risque de devenir chômeurs de longue durée que ceux qui n'ont pas séjourné à l'étranger.
30 ans après la naissance d'Erasmus, les jeunes européens doivent plus que jamais être au cœur de l'action européenne : la crise économique a engendré une forte hausse du chômage des jeunes et, bien que la courbe ait été inversée en 2014, aujourd'hui encore presque un jeune actif sur cinq se trouve sans emploi, voire plus d'un sur trois en Grèce, en Espagne et en Italie.
Dans un tel contexte, ce trentième anniversaire d'Erasmus doit être, plus qu'un moment de commémorations, une opportunité pour réfléchir aux moyens de renforcer la contribution d'Erasmus à l'emploi des jeunes européens. Alors même que le développement de l'apprentissage a été reconnu comme l'une des réponses au fort chômage qui touche aujourd'hui les jeunes, les programmes de mobilité européenne doivent être mis au service de cet objectif. Bien que le programme Erasmus Plus soit déjà ouvert aux apprentis, ces derniers ne représentent toujours qu'une très faible part des étudiants en mobilité et leurs séjours sont de courte durée : moins d'un mois en moyenne, contre 6 mois pour les étudiants universitaires.
Dans son programme de travail pour 2017, la Commission européenne s'est engagée à œuvrer en faveur d'un renforcement de la mobilité des apprentis. Cette intention a été traduite par des actes en décembre dernier, quand la Commission a annoncé le lancement de l'initiative « Erasmus Pro », visant à permettre à 50 000 apprentis de bénéficier d'une mobilité longue – 6 à 12 mois – dans un autre Etat membre d'ici 2020. La création d'un label propre à la mobilité des apprentis – "Erasmus Pro" - comme l'avait proposé l'Institut Jacques Delors en mai 2015 – est louable car elle devrait permettre de renforcer la communication autour des possibilités offertes par l'UE aux apprentis et de sensibiliser les acteurs concernés : les centres de formation, les entreprises, mais aussi les jeunes et leurs familles.
Mais l'UE peut aller plus loin. Aujourd'hui l'offre d'apprentissage est inégale entre les pays européens : les jeunes des pays où il n'y a pas encore une offre généralisée d'apprentissages de qualité pourront difficilement profiter des possibilités de mobilité offertes par l'UE. Cela est d'autant plus inquiétant que ces pays sont souvent ceux où le taux de chômage des jeunes est le plus élevé. Dans ce contexte, si les réformes nationales sont incontournables pour améliorer les systèmes d'apprentissage de certains pays, les jeunes qui sont en détresse méritent que l'Europe leur apporte un débouché concret.
Pour cette raison, Erasmus Pro devrait permettre aux jeunes européens de réaliser non seulement une partie mais aussi, s'ils le souhaitent, l'ensemble de leur formation dans un autre Etat membre. Cette initiative nourrirait-elle une fuite des jeunes, comme certains le craignent ? Les jeunes sans emploi ont été nombreux dans les pays plus sévèrement touchés par la crise à tenter leur chance dans un autre pays. Avec "Erasmus Pro", cette mobilité aurait pu être accompagnée, pour les jeunes sans diplôme, d'une qualification.
En conclusion, Erasmus Pro - qui nait 30 ans après Erasmus - a le potentiel de renforcer la contribution de l'UE à la lutte contre le chômage des jeunes. La mobilité des apprentis peut être un instrument en faveur de l'amélioration de l'image de l'apprentissage, contribuant ainsi au succès des réformes nationales en cours visant à développer ce type de formation. En attendant le résultat de ces réformes, Erasmus Pro doit cependant offrir aux jeunes la possibilité de réaliser l'ensemble de leur apprentissage dans un autre Etat membre.
À voir également sur Le HuffPost: