Le président américain Joe Biden à la base de Royal Air Force Mildenhall, le 9 juin 2021 au Royaume-Uni

Joe Biden a multiplié les bonnes paroles à l'égard des alliés de l'OTAN, mais les interrogations sur les États-Unis demeurent.

afp.com/Brendan Smialowski

Après quatre ans de poignées de main interminables, de coups d'épaule, de tweets ravageurs, de menaces, voire d'insultes de Donald Trump, l'OTAN peut enfin respirer : les États-Unis de Joe Biden ne comptent pas quitter l'alliance militaire et ses trente pays membres. Au contraire, l'heure est aux retrouvailles chaleureuses, ce lundi 14 juin à Bruxelles, pour imaginer la défense de l'après-Covid et retisser des liens abîmés par l'ancien président républicain.

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Depuis son élection, Joe Biden martèle le même message au reste du monde, et surtout à ses alliés : "l'Amérique est de retour." Mais qu'en est-il de la confiance envers le protecteur américain, qui a montré qu'un changement de politique interne pouvait remettre en cause toutes ses alliances internationales ? "Le mandat de Trump constitue la preuve que même les États-Unis peuvent se montrer menaçants à notre égard, souligne Nicole Gnesotto, vice-présidente de l'Institut Jacques Delors et spécialiste des questions de défense. Les Européens, Emmanuel Macron en tête, commençaient à revendiquer une volonté d'autonomie stratégique, mais l'énorme soulagement provoqué par l'arrivée de Biden a écarté cette idée de défense européenne. C'est une erreur, car les Européens vivent dans l'illusion qu'ils peuvent se remettre sous l'aile des Américains et que Trump n'était qu'une parenthèse."

Une Amérique fragile sur le plan intérieur

Ces dernières semaines, Biden multiplie les déclarations et les gestes de bonne volonté à l'égard de l'Alliance Atlantique, que Trump menaçait de quitter tous les six mois. Son ministre des Affaires étrangères, Antony Blinken, a exprimé son souhait de "revitaliser" l'OTAN face aux menaces russes et chinoises. Mais la situation politique intérieure des Etats-unis devrait inciter leurs alliés à la prudence, tant la société américaine reste polarisée : 80% des Républicains continuent de croire que la présidentielle de 2020 était frauduleuse et Trump ne cesse d'annoncer son retour imminent à la Maison Blanche. "Les pays occidentaux semblent avoir confiance en Joe Biden, mais il a près de 80 ans et il n'y a aucune garantie qu'il se présentera pour un second mandat, prévient Stewart Patrick, chercheur au Council on Foreign Relations, à Washington. La fureur de Trump et sa sortie de nombreux traités internationaux ont laissé des traces : quel allié peut encore avoir confiance dans la parole américaine, en sachant que le prochain gouvernement pourrait se retourner contre lui ?"

Les Européens n'ont en réalité d'autre choix que de se fier aux belles paroles de Washington, du moins à moyen terme. "Les États-Unis financent 80% de l'OTAN, ce qui offre aux Européens une défense militaire à moindre coût, relève Nicole Gnesotto. C'est une stratégie efficace, à condition que l'Amérique ne devienne pas folle..." S'il est peu probable que Joe Biden harcèle Angela Merkel au sujet du budget militaire allemand, comme Trump le faisait, les États-Unis continueront de demander aux alliés de dépenser au moins 2% de leur PIB pour la défense.

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Malgré le soulagement général, les sujets de discorde n'ont pas disparu entre les trente pays membres de l'Alliance. En début d'année, Joe Biden a décidé de retirer toutes les troupes américaines d'Afghanistan d'ici septembre, sans en informer ses alliés. Pris de court, ces derniers gardent un goût amer de cette démonstration de force à sens unique. De même, tous les Européens ne souhaitent pas s'aligner avec les États-Unis dans leur stratégie d'opposition frontale avec la Chine, partenaire commercial bien plus indispensable au vieux continent qu'aux Américains.

L'interrogation Erdogan

D'autant que, si le trublion Trump a plié bagage, un autre dirigeant controversé sera bien présent au dîner de Bruxelles lundi soir : Recep Tayyip Erdogan, président d'une Turquie qui a multiplié les provocations et les aventures militaires ces dernières années, de la Syrie à la Libye en passant par le Haut-Karabakh. "La Turquie se révèle une épine dans le pied de l'OTAN, juge Nicole Gnesotto. Elle reste indispensable car les États-Unis y ont leur plus grande base militaire, qui leur permet d'intervenir partout au Moyen Orient, mais Erdogan demeure incontrôlable et l'achat d'armes russes constitue une provocation gravissime au sein d'une alliance militaire construite face à la Russie."

Déjà, Biden a laissé entendre à Erdogan que les États-Unis ne laisseraient plus passer les frasques de la Turquie. Le président américain a patienté trois mois avant de passer un coup de fil à Ankara, pendant lequel il a annoncé qu'il s'apprêtait à reconnaître le génocide arménien perpétré par l'Empire ottoman en 1915, provoquant l'ire du "reis". Les deux hommes ont prévu de se voir en aparté ce lundi, en marge du sommet de l'OTAN. Le rencontre promet d'être électrique.

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