(g-d) Les présidents ukrainien Volodymyr Zelensky et français Emmanuel Macron, et le chancelier allemand Olaf Scholz à l'Elysée, le 8 février 2023 à Paris

(g-d) Les présidents ukrainien Volodymyr Zelensky et français Emmanuel Macron, et le chancelier allemand Olaf Scholz à l'Elysée, le 8 février 2023 à Paris

afp.com/SARAH MEYSSONNIER

Forcément, la visite à Bruxelles du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, va davantage attirer les projecteurs. Pourtant, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne doivent ce jeudi 9 février plancher sur un autre sujet, sans doute aussi primordial pour le futur du bloc que la guerre en Ukraine. Confrontée à la rivalité technologique entre les mastodontes chinois et américain, l’UE doit définir sa propre stratégie, sous peine de voir son industrie bientôt reléguée en seconde division dans les secteurs d’avenir.

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Dans l’immédiat, cela passe par la nécessité d’élaborer fissa une parade efficace à l’Inflation Reduction Act (IRA), le grand plan américain de 369 milliards de dollars de subventions pour les technologies vertes. "On est en train de se faire larguer sur les Green tech. On perd notre avance sur la Chine et les Etats-Unis. Le sentiment d’urgence est partagé par tous", résume une source européenne haut placée. Le sommet doit mettre en musique les premières mesures, afin d’envoyer des signaux rassurants aux entreprises européennes innovantes, tentées par les sirènes et les dollars américains.

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Les 27 vont trouver sur la table le plan de la Commission européenne. Elle a proposé un "choc de simplification" administrative pour permettre aux compagnies d’effectuer leurs arbitrages en sachant plus vite à quelles subventions nationales ou européennes elles ont droit. Bruxelles entend par ailleurs assouplir le cadre des aides d’Etats afin de faciliter le soutien et l’investissement dans six secteurs "propres" jugés stratégiques (batteries, pompes à chaleur, éolien, photovoltaïque, électrolyseurs et capture du carbone). La mesure alarme néanmoins de nombreux pays à l’Est de l’Europe mais aussi au sud, comme l’Italie. Eux craignent que l’Allemagne - et dans une moindre mesure la France - ne soit davantage qu’eux en mesure de soutenir ses champions nationaux.

"Un changement d'approche"

"On est au-delà de l’inquiétude, on est sûrs qu’il y a un risque pour la concurrence loyale sur le marché intérieur européen", explique une source très remontée. Alors, en contrepartie, les 27 ont prévu d’autoriser les gouvernements à utiliser de façon plus flexible la manne encore non dépensée du grand plan de relance anti-Covid. Il reste environ 250 milliards d’euros. "On approche d’un équilibre, une réponse puissante vis-à-vis de l’extérieur, raisonnable compte-tenu de nos équilibres intérieurs", veut croire un diplomate européen. Le commissaire Thierry Breton est moins optimiste : selon ses calculs, il manque environ 100 milliards d’euros pour que l’Europe soit à la hauteur des sommes mises sur la table par les USA ou d’autres acteurs comme le Japon et le Canada.

Pour combler cet écart, certains misent sur le futur "fonds de souveraineté" que Bruxelles s’est engagé à présenter à l’été. Les contours de cet instrument sont encore flous, mais il fait déjà tiquer les pays scandinaves, les Néerlandais ou les Allemands qui rechignent à un nouveau pas vers une plus grande solidarité financière européenne. Les 27 devraient néanmoins avoir une première discussion sur ce sujet cette fin de semaine afin de donner quelques lignes directrices à la présidente de la Commission européenne.

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Pour ses partisans, ce fonds aurait vocation à défendre la compétitivité du Vieux continent en limitant les dépendances stratégiques. "Nous avons le nez sur l’IRA, alors que ce n’est qu’un pan de la réponse anti-Chine des USA. Après les technologies vertes, ils vont se pencher sur les supercalculateurs, l’intelligence artificielle ou les biotechs", met déjà en garde Elvire Fabry, chercheuse à l’Institut Jacques Delors.

Le plan pour les technologies vertes pourrait donc servir de cas d’école pour d’autres secteurs. Exemple, la possibilité d’autoriser plus d’aides publiques y est assortie de conditions : les bénéfices doivent s’étendre à d’autres régions ou d’autres pays européens. "Il va falloir se préparer à un changement d’approche assez structurel, en passant d’un fonctionnement du marché intérieur axé sur des règles équitables de concurrence entre Européens à une logique de mutualisation. Il faut construire davantage ensemble" décrypte Elvire Fabry. Ce changement de paradigme induit par le match Chine/USA est loin d’être accepté par tous. Ce sera un grand enjeu pour les mois à venir. "Accepter de parler de politique industrielle commune, c’est déjà une grande nouveauté du coté de certains Etat-membres", note une source élyséenne.

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