Sur quels fondements la relocalisation des migrants était-elle attaquée ?

La Hongrie et la Slovaquie contestaient le processus décisionnel qui a mené à aider l’Italie et la Grèce, pays en première ligne face à l’afflux de réfugiés sur leurs côtes. Elles ont ainsi saisi la Cour de justice européenne en décembre 2015.

Deux mois plus tôt, le Conseil européen avait voté à la majorité qualifiée la répartition dans l’UE de 120 000 migrants en besoin manifeste de protection sur une durée de deux ans. Les plaignantes devaient à ce titre accueillir 2 096 migrants à elles deux. Mais la Hongrie n’en a reçu aucun ; la Slovaquie seulement 16.

Leur action en justice visait la suppression du dispositif. Elles reprochaient au Conseil européen d’avoir contourné le processus législatif normal. Elles remettaient en cause la pertinence et la durée jugée trop longue du mécanisme. Le contentieux a fait apparaître deux camps opposés. La Pologne du côté de la Hongrie et de la Slovaquie. L’Italie, la Grèce, l’Allemagne, la Suède, la Belgique, le Luxembourg et la France du côté du Conseil européen.

Comment la Cour de justice a-t-elle répondu ?

Les juges ont rejeté la totalité des arguments introduits par la Slovaquie et la Hongrie. Pour eux, le mécanisme « contribue effectivement et de manière proportionnée à ce que la Grèce et l’Italie puissent faire face à la crise migratoire de 2015 ».

Pour la Cour, le dispositif repose sur un fondement juridique solide, l’article 78-3 du traité de Lisbonne : « Au cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d’urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés. »

Pas question de se conformer à la justice européenne, a pourtant répliqué Budapest. Hier, le ministre hongrois des affaires étrangères, Peter Szijjarto, a promis que son gouvernement continuera à « se battre » contre tout quota. La Hongrie et la Slovaquie ne sont pas les seules à traîner des pieds pour appliquer les décisions européennes. Au 31 août dernier, seuls 28 000 migrants avaient été transférés depuis la Grèce et l’Italie vers les autres pays de l’Union.

Quelles sont les implications de cette décision de la Cour de justice ?

Elle permet de donner une suite aux « procédures en manquement » déjà lancées par l’UE contre les pays les plus récalcitrants (République tchèque, Hongrie, Pologne). Il ne faut pas pour autant s’attendre à une relance du mécanisme de répartition, car les migrants éligibles à la relocalisation ont tous été enregistrés. D’autres évolutions pourraient suivre. « Le système de répartition des demandeurs d’asile en cas d’urgence pourrait être directement inscrit dans le droit européen. Il pourrait être intégré dans le règlement de Dublin IV en préparation », souligne Yves Pascouau de l’université de Nantes.

La décision de la CJE a aussi des implications institutionnelles. La Cour « préserve le Conseil européen dans sa fonction de force motrice qui peut donner des impulsions » tout en déjouant « la tentation de certains États de bloquer les décisions », indique une source proche du dossier à Bruxelles.

C’est plus largement une victoire pour les défenseurs du principe de solidarité dans l’UE. Hier, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a profité de la décision de la Cour pour répondre au courrier du premier ministre hongrois Viktor Orban. Ce dernier demandait à la Commission de payer la moitié de la barrière anti-migrants qu’il a installée aux frontières extérieures de l’UE – soit 400 millions d’euros. « La solidarité est valable dans les deux sens, a-t-il répondu. Il y a des moments où les États membres peuvent s’attendre à recevoir un soutien, et d’autres moments où, en retour, ils doivent se tenir prêt à faire des contributions. »