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UE : pourquoi les pays du Sud mobilisent davantage le pactole du plan de relance

Le sud de l'Europe a beaucoup plus puisé dans la fabuleuse cagnotte du plan de relance que ceux du Nord ou de l'Est. Les premiers ont davantage à y gagner. Ou à y perdre si le plan de Bruxelles échouait.

La Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen, a déjà débloqué plus de la moitié des 69 milliards promis au gouvernement de Pedro Sanchez (à droite) pour financer la relance espagnole.
La Commission européenne, présidée par Ursula von der Leyen, a déjà débloqué plus de la moitié des 69 milliards promis au gouvernement de Pedro Sanchez (à droite) pour financer la relance espagnole. (Bernat Armangue/Ap/SIPA)

Par Sébastien Dumoulin

Publié le 7 juil. 2023 à 09:29Mis à jour le 7 juil. 2023 à 16:21

Une fois n'est pas coutume, les pays du sud de l'Europe font figure de bons élèves en ce qui concerne le méga plan de relance concocté par Bruxelles après la crise du Covid. Fin 2020, les Vingt-Sept avaient accepté, pour la première fois, de s'endetter ensemble pour redynamiser, numériser et verdir leurs économies - à hauteur de 800 milliards d'euros. Deux ans et demi plus tard, la mobilisation de cette fabuleuse cagnotte est très inégale.

A l'échelle de l'Union, un petit tiers du « pactole » a été déboursé. Mais alors que les pays méditerranéens ont mis les bouchées doubles et largement engagé les investissements dont ils étaient convenus avec la Commission, les Etats du nord et de l'est du bloc sont globalement en retard. La France, qui a débloqué un tiers des 39 milliards d'euros promis, est dans la moyenne.

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Pourtant, les projets à financer, retenus par les Etats et validés par Bruxelles, sont partout aussi séduisants : déployer des réseaux de téléphonie mobile, construire des lignes de train à grande vitesse ou des bornes de recharge pour véhicules électriques, numériser l'administration, créer des places de crèche… Dès lors, comment expliquer le peu d'entrain de l'Irlande ou de la Suède, par exemple, qui n'ont toujours pas réclamé le premier euro à la Commission ?

Peu d'argent, peu d'intérêt

Première explication : l'enjeu n'est pas le même partout, au vu des montants concernés. La principale arme de la relance européenne, baptisée « facilité pour la reprise et la résilience » (FRR), a été sollicitée à hauteur d'environ 500 milliards d'euros par les Etats membres (335 milliards de subventions et 165 milliards de prêts). Mais Dublin, qui doit recevoir un milliard d'euros (soit 0,2 % du PIB irlandais), est logiquement moins impatient de récupérer sa quote-part que Rome, qui s'est vu attribuer… 191 milliards d'euros (11 % du PIB italien) !

« Les pays riches, comme l'Allemagne, la Suède ou la Finlande reçoivent très peu d'argent. Il n'y a donc pas beaucoup d'intérêt et peu de capital politique mobilisé pour le plan de relance », souligne Eulalia Rubio, chercheuse à l'Institut Jacques-Delors. Les Néerlandais ont ainsi beaucoup attendu avant de présenter leur projet national à Bruxelles.

Quant à l'Allemagne, elle n'a à ce jour atteint aucun des 129 objectifs fixés par la Commission et conditionnant le déblocage progressif des fonds du plan de relance. Tout un symbole. « Ce n'est pas vraiment problématique, car les obligations sont légères, et Berlin a jusqu'à 2026 pour s'y conformer. Mais cela donne tout de même une mauvaise image », souligne la chercheuse.

Blocages à Budapest et Varsovie

L'absence d'avancée du plan de relance est plus problématique pour la Hongrie et la Pologne. Dans ces deux pays, le versement des fonds est conditionné à de profondes réformes - notamment du système judiciaire - qui sont politiquement compliquées (pour ne pas dire insupportables) pour les gouvernements nationalistes en place à Budapest et à Varsovie.

En fin d'année dernière, la Hongrie avait fait valider in extremis son plan de relance par la Commission et les Etats membres. A quelques semaines près, elle se faisait amputer de 70 % son allocation prévue de 5,8 milliards d'euros. Ce couperet n'est pas tombé. Mais les versements resteront suspendus tant que les réformes garantissant l'Etat de droit exigées par Bruxelles ne sont pas mises en oeuvre.

Les difficultés à atteindre les jalons posés par la Commission expliquent aussi le relatif retard de certains pays à l'Est, comme la Roumanie ou la Bulgarie. « Bucarest a tout de même fait passer une réforme majeure sur l'indépendance judiciaire, en dépit de la crise gouvernementale », souligne Eulalia Rubio, optimiste.

Le défi de Meloni

D'ailleurs, s'il fallait un exemple de la dynamique positive du plan de relance européen, il suffit de regarder l'Espagne. Multipliant les réformes - dont celle très sensible des retraites -, Madrid fait aujourd'hui office de premier de la classe européenne. Le gouvernement Sanchez a déjà débloqué plus de la moitié des 69 milliards d'euros promis par Bruxelles pour la relance espagnole.

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Le cas italien est plus compliqué. Le pays concentre à lui seul 38 % des fonds prévus pour la relance du continent. Certes, Rome en a déjà reçu un gros tiers - soit la coquette somme de 67 milliards. Mais le troisième versement, de 19 milliards, est gelé par Bruxelles depuis six mois. « L'Italie a de gros problèmes d'absorption des fonds à l'échelon régional et local. Elle manque de capacités administratives, surtout dans le sud du pays », explique Eulalia Rubio.

Le succès de la relance de toute l'Europe dépendra beaucoup de la capacité du gouvernement Meloni à résorber ces frictions et à respecter les jalons suivants fixés par Bruxelles. En Italie comme dans le reste de l'Europe, « 2023 est une année clé pour les réformes », souligne Eulalia Rubio. Les pays du Sud savent qu'ils jouent gros. S'ils ne réussissent pas à absorber les fonds dans les délais prévus, les « frugaux » du Nord refuseront tout nouvel outil d'endettement commun.

Sébastien Dumoulin

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