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Décryptage

Un clone de Viktor Orbán prend les rênes de l'Union européenne

La Slovénie prend jeudi la présidence du Conseil des ministres de l'Union européenne. A sa tête, Janez Jansa, personnage contesté qui revendique une proximité idéologique et amicale avec le Hongrois Viktor Orbán. Pourtant son arrivée ne suscite guère d'inquiétude, à Bruxelles comme dans les autres capitales européennes. Explications.

Le Premier ministre slovène, Janez Jansa, est un homme politique affaibli. Il vient d'échapper à une deuxième motion de censure dans son pays.
Le Premier ministre slovène, Janez Jansa, est un homme politique affaibli. Il vient d'échapper à une deuxième motion de censure dans son pays. (JOHANNA GERON/AFP)

Par Catherine Chatignoux

Publié le 1 juil. 2021 à 07:45

Il est le seul en Europe à n'avoir pas encore nommé les deux procureurs nationaux requis auprès du nouveau Parquet européen. Janez Jansa, le premier ministre slovène a recalé les deux magistrats pressentis pour des raisons d'animosité personnelle, un geste de mauvaise humeur qui lui a coûté la démission de sa ministre de la Justice. Mauvais signal pour ce dirigeant de l'un des plus petits pays européens, lové au coeur de l'Europe, qui va endosser au premier juillet et pour six mois le costume de président du Conseil des ministres de l'Union. « Cela en dit long sur le respect dans lequel il tient les institutions européennes » note Jacques Rupnik, politologue, spécialiste des pays d'Europe centrale.

Le clone d'Orban

Le moins qu'on puisse dire est que cet homme, ancien dissident communiste et artisan de l'indépendance de la Slovénie en 1991, n'a pas bonne réputation en Europe. On le dit impulsif, égocentrique, misogyne, ultraconservateur et surtout déterminé à imiter son ami et mentor Viktor Orbán dans sa dérive autoritaire et anti-démocratique. « Il est très proche du dirigeant hongrois, c'est son modèle, il apprécie son style viril et direct et il est sur la même ligne politique s'agissant de l'Union européenne », explique Jacques Rupnik. Lui aussi a dans son viseur les ONG, les médias et le système judiciaire accusé de « protéger les élites, l'Etat profond et la criminalité économique ».  Au début de l'année, il a coupé les vivres à l'agence de presse nationale STA, et remplacé le directeur de la chaîne de télévision publique. La chaîne privée Nova 24TV, ostensiblement pro-Jansa, appartient, elle, à des oligarques hongrois proches de Viktor Orbán.

Le clone du pourfendeur de l'homosexualité est aussi un fervent admirateur de Donald Trump qu'il a été le seul en Europe - avec Orban - à féliciter de sa victoire à la présidentielle de novembre dernier, avant même la fin du dépouillement des voix. Le « Donald slovène » partage avec l'ancien président américain ce besoin irrépressible de tweeter comme il respire, le plus souvent pour injurier ou diviser l'opinion. Sur le fond, on retrouve le même patchwork idéologique d'euroscepticisme, de climatoscepticisme, de nationalisme et de xénophobie peu prisé dans les milieux bruxellois.

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Capacité de nuisance

Pourtant, l'arrivée de Janez Jansa à la barre de l'Union européenne ne semble pas inquiéter sérieusement ses partenaires et la Commission européenne. Même si sa personnalité et sa proximité avec Viktor Orbán sont dérangeantes au moment où ce dernier est mis au ban de l'Europe pour sa loi sur l'homosexualité, la capacité de nuisance du dirigeant slovène est jugée faible.

Le rôle des présidences tournantes de l'Europe a perdu en importance depuis que les gouvernements se sont dotés d'un président stable, une fonction occupée depuis fin 2019 par le Belge Charles Michel. Elles travaillent en trio avec les présidences antérieure et postérieure, ce qui réduit considérablement la marge de manoeuvre d'un seul pays. Le risque avec la Slovénie est qu'elle ne s'implique pas autant dans le rôle de facilitateur de compromis, que ne l'ont fait l'Allemagne et le Portugal lors des deux derniers semestres. La France, qui prendra le relais début 2022, a bien l'intention de cadrer et d'encadrer la parenthèse slovène.

Coalition minoritaire

Et s'il voulait perturber le cours des politiques européennes par une provocation ou un tweet vengeur, Janez Jansa, à la tête d'un petit pays de 2 millions d'habitants, prendrait tous les risques. « Son assise politique n'est pas comparable à celle d'un Viktor Orbán qui règne en maître depuis plus de 10 ans sur la Hongrie et dispose aujourd'hui encore d'une majorité des deux tiers qui lui permet de modifier la constitution », explique Lukas Macek, chercheur associé à l'Institut Jacques Delors. « Jansa est à la tête d'un gouvernement de coalition minoritaire, donc fragile, et il gouverne avec des partenaires situés au centre de l'échiquier politique, plutôt pro-européens. La coalition pourrait exploser s'il s'isolait politiquement ou donnait durant la présidence une mauvaise image de la Slovénie. »

Point d'atterrissage

Une analyse partagée par Jacques Rupnik qui ajoute que depuis l'éclatement de la Yougoslavie et l'indépendance du pays, « l'Union européenne a été l'unique point d'atterrissage de la Slovénie duquel personne n'a jamais dévié. Il y a un acquis européen dans ce pays qu'il ne serait pas aisé de démanteler et Jansa y réfléchirait à deux fois avant de compromettre cet objectif qui est partagé par toutes les forces politiques et l'opinion publique slovène ».

D'ailleurs, le clone de Viktor Orbán ne donne pas l'impression de vouloir renverser la table du Conseil européen. « L'inventaire des priorités de la présidence slovènes ne révèle aucune stratégie de rupture. Il y est question d'autonomie stratégique, chère à Emmanuel Macron, d'union de la Santé, de la résilience de l'économie post-Covid et même de la nécessité de faire respecter l'Etat de droit. C'est un profil qui semble très conciliant vis-à-vis de ses partenaires », note Lukas Macek. « Je ne pense pas qu'il cherchera le conflit, même s'il n'en pense pas moins. »

Catherine Chatignoux

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