Un embargo de l'Union européenne sur le pétrole est-il souhaitable ?

Réservoirs appartenant à Transneft, une société d'État russe qui exploite les oléoducs du pays, au terminal pétrolier Ust-Luga, en Russie. ©Getty - Igor Grussak/dpa
Réservoirs appartenant à Transneft, une société d'État russe qui exploite les oléoducs du pays, au terminal pétrolier Ust-Luga, en Russie. ©Getty - Igor Grussak/dpa
Réservoirs appartenant à Transneft, une société d'État russe qui exploite les oléoducs du pays, au terminal pétrolier Ust-Luga, en Russie. ©Getty - Igor Grussak/dpa
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Malgré les réticences de certains Etats membres, la question d'un embargo de l’UE sur le pétrole russe s’est invitée au cœur des négociations du Conseil européen. A court terme, comment absorber les chocs et limiter les conséquences sur l’approvisionnement et les prix ?

Avec
  • Nicolas Mazzucchi Géoéconomiste, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), spécialiste des questions Energie, auteur notamment de « Energie, ressources, technologies et enjeux de pouvoir », ed. Armand Colin.
  • Phuc-Vinh Nguyen Chercheur en politiques énergétiques à l’Institut Jacques Delors
  • Maria-Eugenia Sanin Coordinatrice du groupe d'Economie Appliqué au Centre d'Economie de Paris-Saclay et auteur de nombreux articles sur l'économie de l'énergie en Amérique Latine.

Le Conseil européen extraordinaire qui se tient aujourd’hui et demain à Bruxelles a pour objet de trouver une position européenne commune sur l’interdiction d’importation du pétrole russe. Mais si, pour l’Allemagne, un accord des 27 est à portée de main, il est en revanche hautement improbable pour le dirigeant hongrois Viktor Orban. Car la Hongrie, comme d’autres pays voisins, ne sont pas exposés au même niveau que la France ou le Danemark à la dépendance énergétique russe. Il pourrait donc s’agir d’un embargo progressif cantonné au pétrole transporté par bateau excluant l’usage de l’oléoduc Droujba dont la branche nord dessert Allemagne, Autriche et Pologne et la branche sud Hongrie, République tchèque et Slovaquie.

Mais est-ce suffisant pour accélérer les négociations entre la Russie et l’Ukraine qui demande un arrêt complet des importations de pétrole russe en Europe ? Et les conséquences d’un tel embargo risquent-elles de faire entrer l’Europe en crise économique inflationniste ?

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Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Nicolas Mazzucchi, géoéconomiste, spécialiste des questions énergétique, Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politiques énergétiques à l’Institut Jacques Delors et Maria-Eugenia Sanin, économiste spécialiste des questions énergétiques, maîtresse de conférences à l’Université Paris-Saclay.

Nicolas Mazzucchi met en lumière la nécessité d'un retour à la puissance publique, et d'une prise en compte croissante de l'enjeu de sécurité énergétique : "Cette situation géopolitique dramatique nous force à accélérer. (...) On voit réapparaître ce qui est un non-dit dans cette transition énergétique, qui est l’idée de dire qu’au sein du continent européen, on a essayé de plus en plus de limiter la production d’hydrocarbures, sans en limiter tant que ça la consommation. (...) Il faut un retour de la puissance publique, à la fois nationale et communautaire, avec une vision beaucoup plus large et beaucoup plus profonde. (...) L’Union européenne doit prendre en compte cet enjeu de la sécurité énergétique."

Selon Phuc-Vinh Nguyen, c'est notamment grâce à un changement de modes de consommation qu'une transition peut s'opérer :  "Ce que fait Vladimir Poutine, c’est d’instaurer un rapport de force. Pour y répondre, il faut faire preuve d’unité et mettre en place des sanctions significatives. (...) On se concentre sur une stratégie qui consiste à diversifier nos approvisionnements, mais il y a une autre manière de pouvoir sortir par le haut de cette crise, c’est là le levier de la sobriété énergétique qui consiste à changer nos comportements pour pouvoir modérer notre consommation. (...) Il faut prévoir des mesures d’accompagnement réellement ciblées."

Maria-Eugenia Sanin note l'importance d'aider les populations les plus vulnérables pour faire face à cette crise : "La substitution du pétrole russe par une autre source de raffiné sera très difficile. (...) Il faut réfléchir à la question de l’impact sur les différentes populations, en particulier les plus vulnérables. On pourrait rendre le transport public plus attractif. (...) Cette crise est terrible mais représente une opportunité à saisir avant l’hiver prochain. (...) On est dans une course contre la montre pour casser cette interdépendance énergétique dans tous les hydrocarbures russes."

Bibliographie :

  • Groupe d'études géopolitiques, Dans l'urgence climatique. Penser la transition écologique, Coll. Folio Actuel, Gallimard, 2022

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