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Ursula von der Leyen, du « joker » de 2019 à la figure incontournable de 2024

La présidente de la Commission, officiellement nommée cheffe de file des conservateurs pour les élections européennes, affiche un bilan solide qui joue en faveur de sa reconduction. Mais ses méthodes, son atlantisme, ses cavaliers seuls irritent aussi nombre de leaders.

Ursula von der Leyen parle à un des délégués du congrès du Parti Populaire Européen, à Bucarest le 6 mars.
Ursula von der Leyen parle à un des délégués du congrès du Parti Populaire Européen, à Bucarest le 6 mars. (Lucian Alecu/SIPA)

Par Karl De Meyer

Publié le 7 mars 2024 à 15:32Mis à jour le 7 mars 2024 à 16:18

Voilà donc Ursula von der Leyen officiellement intronisée cheffe de file de sa famille politique pour les européennes de juin. Sa candidature est apparue tellement naturelle qu'elle était la seule, au congrès de Bucarest du Parti populaire européen, ce jeudi. L'Allemande a recueilli 82 % des voix exprimées.

En 2019, Manfred Weber avait dû s'imposer face au Finlandais Alexander Stubb. En 2014, Jean-Claude Juncker avait en face de lui le Français Michel Barnier. Vu d'aujourd'hui, il semble probable que les Vingt-Sept accordent à « VDL » un second mandat à la tête de la Commission européenne après les européennes de juin .

La présidente sortante peut, il est vrai, revendiquer le très long bilan d'un mandat exécuté dans des circonstances exceptionnelles. Moins de trois mois après son entrée en fonction s'est répandue sur la planète une pandémie inédite qui a provoqué une chute historique de l'activité. Deux ans plus tard, la guerre est revenue aux frontières de l'UE. Les sanctions européennes contre Moscou et le redéploiement du bouquet énergétique européen ont encore une fois pesé sur l'économie.

Le visage de l'Europe

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De Bruxelles, Ursula von der Leyen a coordonné les achats de vaccins avec les grands groupes pharmaceutiques, mis en musique le grand plan de relance post-Covid par endettement commun, travaillé sur les sanctions contre Moscou, et en outre mis en route l'essentiel du Pacte vert de décarbonation promis en 2019.

Dans cette perspective, « il serait difficile de ne pas lui renouveler la confiance », estime Sylvie Matelly, directrice de l'institut Jacques-Delors. D'autant que l'ancienne ministre d'Angela Merkel « a réussi à se faire un nom. Les citoyens européens la connaissent, ce qui n'était probablement pas arrivé depuis longtemps, je dirais depuis Jacques Delors », ajoute la chercheuse.

L'écho du « sofagate »

Ursula von der Leyen a beaucoup voyagé et communiqué, notamment sur les réseaux sociaux, aux côtés de Joe Biden, Volodymyr Zelensky, Christine Lagarde… L'affaire du « Sofagate » , cet incident de protocole survenu en 2021 à Ankara, a fait beaucoup de bruit. On lui avait réservé une place sur un canapé quand Charles Michel, président du Conseil européen, et Recep Tayyip Erdogan étaient assis sur de larges fauteuils… La présidente de la Commission avait estimé qu'on l'avait mise de côté parce qu'elle est une femme.

Son statut d'aujourd'hui contraste de manière spectaculaire avec sa position de 2019. Ursula von der Leyen n'est alors placée à la tête de la Commission par les Vingt-Sept qu'après un long psychodrame. Emmanuel Macron, notamment, s'oppose catégoriquement à la nomination de Manfred Weber, pourtant chef de file des conservateurs, arrivés en tête des européennes.

Choix surprise de 2019

Pour l'Elysée, mais pas seulement, le Bavarois a un profil trop faible, sans expérience exécutive. Le candidat des socialistes, Frans Timmermans, passe alors tout près d'emporter la mise, avant qu'Emmanuel Macron ne propose la ministre de la Défense d'Angela Merkel. Une chrétienne-démocrate très centriste, proche de la chancelière, née à Bruxelles où elle a passé les premières années de sa vie. Au Conseil européen, Angela Merkel s'abstient, par souci de ne pas froisser ses partenaires de coalition sociaux-démocrates.

Le Parlement européen n'apprécie pas qu'on bafoue le principe du « Spitzenkandidat » qui devait, selon les eurodéputés, asseoir la légitimité démocratique de la présidence de la Commission. On reproche à Ursula von der Leyen de n'avoir jamais dirigé un gouvernement - un autre point commun avec Jacques Delors.

Méthodes critiquées

A Berlin, l'étoile de « VDL » avait déjà beaucoup pâli à la suite de plusieurs affaires, notamment le recours massif à des cabinets de conseil. Les eurodéputés confirment le choix des leaders à neuf voix près seulement - Ursula von der Leyen est loin de faire le plein des voix dans sa propre famille.

En ce début 2024, on entend de nouveaux reproches. A l'intérieur de la Commission, de nombreux fonctionnaires déplorent un mode de décision très vertical, centralisé par une équipe très réduite et essentiellement… allemande, autour du chef de cabinet Björn Seibert. Ils parlent d'une obsession du contrôle - et parfois du secret - qui complique souvent le travail d'unités à qui on demande une tâche en urgence.

Atlantisme décrié

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Les Etats membres ont plusieurs fois été irrités par les cavaliers seuls d'Ursula von der Leyen, qui a pu s'aventurer au-delà de ses prérogatives. Elle a ainsi pu annoncer des sanctions qui n'étaient pas encore validées. Nombre de capitales désapprouvent son atlantisme démonstratif.

Paris n'a pas apprécié qu'elle veuille nommer une cheffe économiste américaine à la DG Concurrence , qui voit passer des dossiers de fusion ou d'aides d'Etat éminemment stratégiques. L'Elysée a aussi jugé très faible le rapport de la Commission sur les conséquences de l'Inflation Reduction Act , le grand plan de subventionnement des industries vertes des Etats-Unis.

L'an dernier, la réaction immédiate et univoque d'Ursula von der Leyen aux attentats du Hamas, en soutien inconditionnel d'Israël, a choqué dans les milieux diplomatiques. Elle avait en premier lieu omis de préciser que le droit d'Israël à se défendre devait s'accompagner du respect du droit humanitaire international. Madrid l'a très mal vécu. C'est peut-être sa plus grave erreur.

Inquiétudes des Vingt-Sept

L'assurance et la visibilité acquises par la présidente de la Commission, si elles servent la cause de l'UE, inquiètent aussi les gouvernements nationaux. Si elle est reconduite, Ursula von der Leyen ne risque-t-elle pas de prendre encore plus d'autonomie ? De multiplier les initiatives non concertées ?

La question se posera nécessairement aux Vingt-Sept en juin. Mais la locataire du Berlaymont semble confiante. Autour de la table siégeront au moins 12 leaders de sa famille politique.

Karl De Meyer (Bureau de Bruxelles)

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