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30 ans après la chute du Mur de Berlin :
Penser les frontières de l’Union européenne
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Thierry Chopin, Professeur de science politique à l’Université catholique de Lille, European School of Political and Social Sciences (ESPOL), conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors, plaide pour une réflexion poussée sur les frontières de l’Europe.
Le 9 novembre 1989 : à l’Ouest comme à l’Est, cette date a symbolisé l’échec de l’entreprise totalitaire. L’Union européenne a réussi avec la réunification Est-Ouest une des plus belles réalisations de son histoire : elle a permis de fédérer l’Europe autour de la liberté. Célébrer la chute du Mur de Berlin, c’est d’abord rappeler ce glorieux héritage de la construction européenne qui a réalisé la pacification et la réconciliation des pays européens. La « fin de l’histoire » prédite s’est pourtant accompagnée d’évolutions inquiétantes : à l’Est, le passage du narratif du « retour à la famille européenne » de Havel au narratif nationaliste, autoritaire et illibéral d’Orbán; à l’Ouest, la montée en puissance des forces politiques radicales, populistes, voire extrémistes, à gauche comme à droite de l’échiquier politique. Dans les deux cas, ce sont la démocratie libérale et les valeurs d’ouverture sur lesquelles elle repose qui sont mises en cause.
30 ans après la chute du Mur de Berlin, dans un tel contexte, les principes au fondement de nos régimes de liberté doivent être réaffirmés de toute urgence. Mais, la force de la démocratie libérale est aussi d’être un régime par nature ouvert sur ses propres lacunes, ses propres limites et ses propres insuffisances. Le sentiment de maints citoyens aujourd’hui est que l’Europe est un « espace » ouvert qui n’est pas protégé et c’est à cette crainte qu’il faut répondre en posant la question des frontières de l’UE. Trente ans après la rupture géopolitique introduite par la chute du Mur, il faut penser les limites politiques de l’Union européenne.
Sous l’effet de la crise migratoire puis du référendum britannique sur le Brexit, la question des frontières de l’Union européenne se pose de manière incontournable et renvoie à des défis majeurs lancés à l’Union : où exercer le contrôle migratoire ? Où se situe la limite de la sécurité des Européens ? Après dix ans de crises en Europe, la montée en puissance électorale des forces populistes comme des extrêmes droites nationalistes constitue un fait politique de première importance qui pousse également à s’interroger sur la question des frontières compte tenu des liens entre cette dernière et celle de l’identité au cœur du discours national-populiste.
En outre, quels que soient l’analyse voire le jugement que l’on peut porter sur le refus par la France d’ouvrir les négociations d’adhésion de la Macédoine du Nord et de l’Albanie à l’UE, cette décision conduit à poser la question de la poursuite ou non de l’« élargissement » et donc des limites de l’Union.