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De Prague à Bratislava : Macron dans les sables mouvants des populistes européens

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| 24/10/2018

Annoncé depuis le début de l’année, le voyage du Président Macron en Slovaquie et en République tchèque aura enfin lieu les 26 et 27 octobre 2018. La date est hautement symbolique puisque c’est le 28 octobre 1918 que la République tchécoslovaque, pays que la France est la première à avoir reconnue en tant qu’état souverain, a été créée sur les ruines de l’Autriche-Hongrie. Cette visite, au-delà de sa dimension historique et symbolique, remettra aussi sur le devant de la scène les questions de la relation entre la France et les pays de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) et le sentiment européen chez les dirigeants politiques de ces pays. Loin des procédures d’infraction à l’État de droit enclenchées respectivement par le Parlement et la Commission à l’encontre de la Hongrie et la Pologne, la situation politique à Prague et Bratislava appelle aussi à certaines inquiétudes.

Le Premier ministre tchèque, Andrej Babiš, a dû attendre près d’un an afin d’avoir un gouvernement au complet. Cette période d’intérim lui a valu de se sentir à part du mainstream européen ; aucune visite de haut niveau à Prague n’a été organisée pendant cette année, ce qui a isolé Babiš, en quête de reconnaissance de ses pairs, et l’a paradoxalement rapproché de Viktor Orbán qui a pu voir en Babiš un allié de circonstance. Dans les derniers mois, Babiš a exprimé à de multiples reprises son désaccord avec la proposition de la Commission pour le prochain budget post-2020, répété son opposition absolue aux mécanismes obligatoires de relocalisation des réfugiés, et dit tout le mal qu’il pensait de l’action de FRONTEX. La visite de Macron peut donc avoir un effet psychologique important afin d’aplanir les différences de vue sur ces sujets, aussi dans la perspective d’une potentielle alliance avec les parlementaires européens du parti de Babiš (ANO), qui siègent au sein du groupe d’ALDE, sur lequel La République en Marche a des vues en prévision des élections européennes de mai 2019.

Il reste toutefois à signaler que certains nuages peuvent s’amonceler sur Babiš, qui a été accusé par l’Organisme de Lutte Anti-Fraude (OLAF) de l’UE d’avoir détourné 1 million d’euros de fonds régionaux au profit de son entreprise. Une enquête à ce sujet est en cours par la police nationale tchèque (en charge de ces dossiers), dans laquelle Babiš est intervenue de manière directe ou indirecte en forçant le directeur de la police judiciaire à démissionner, ou en bloquant le bon déroulement de l’enquête en empêchant certains témoins-clé de s’exprimer, notamment ses associés proches ou membres de sa famille. Ce sujet est hautement symbolique du contrôle que souhaite exercer le Premier ministre tchèque sur les corps constitués de son pays, et son peu de propension à partager le pouvoir à la fois au niveau national mais aussi au sein de son parti, à la structure très verticale.

La visite à Bratislava du Président français sera aussi ceinte de questions sur le pouvoir politique slovaque. Tout juste un an après l’assassinat du journaliste Ján Kuciak, seules quelques pistes ont été évoquées concernant les responsables du meurtre, pour la plupart liées aux activités de groupes mafieux italiens dans l’Est du pays. Or il fut avéré dans la période qui suivi la mort de Kuciak qu’une conseillère proche du premier ministre Robert Fico (PSE) avait des liens proches avec ce type de groupe, et que le controversé ex-ministre de l’Intérieur Robert Kaliňák avait protégé les activités de ces groupes. Une mobilisation citoyenne de masse (Za slušné Slovensko – Pour une Slovaquie propre) a occupé les rues slovaques pendant plusieurs mois avant de baisser de pied, sans toutefois que ses désirs n’aient été suivis. Les partis d’extrême-droite qui font partie de la coalition gouvernementale continuent d’appeler à la défiance envers les journalistes, notamment le président de la Chambre basse, Andrej Danko. Les slovaques pro-européens ont vu comme un coup dur la décision du président sortant, Andrej Kiska, de ne pas se représenter aux prochaines élections présidentielles tant le climat politique est à la défiance envers le pouvoir politique, et que Kiska représentait un espoir contre les pratiques du pouvoir en place depuis presque dix ans.

C’est donc dans ce contexte difficile que le Président Macron portera la parole française en Europe centrale. Même si la République tchèque et surtout la Slovaquie se veulent des partenaires européens constructifs, certaines différences de vue, notamment sur le futur budget européen et les questions migratoires, se feront sentir. Au-delà de cela, cette visite sera aussi l’opportunité d’échanger sur l’avenir de la gouvernance européenne, avec notamment la possible candidature de Miroslav Lajčák, l’actuel ministre des affaires étrangères slovaque, au poste de haut représentant pour les affaires étrangères européennes, pour laquelle le soutien de la France sera clé.

Martin Michelot

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