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Relever le défi énergétique et climatique en Europe : les propositions de 5 think tanks

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Les auteurs de cet article sont Antoine Guillou, coordonnateur du pôle énergie et climat, Terra Nova ; Thomas Pellerin-Carlin, chef du Centre énergie, Institut Jacques Delors ; Emmanuel Tuchscherer, directeur des Affaires européennes d’Engie, auteur à la Fondapol ; Charlotte Vailles, cheffe de projet, et Ian Cochran, conseiller senior, Institut de l’économie pour le climat (I4CE) ; Lola Vallejo, directrice du programme climat et Nicolas Berghmans, chercheur, Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).

Ce rapport est le fruit d’une coopération entre cinq think tanks français et européens. Il vise à éclairer le débat des élections européennes afin que citoyens et responsables politiques français et européens puissent prendre les décisions nécessaires pour relever les défis de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique. Se présentant sous la forme d’un recueil de contributions, il ne prétend pas à l’exhaustivité, mais vise à approfondir certains angles clés de la politique énergétique et climatique européenne.

La nécessité de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique se fait chaque jour plus pressante. Les élections européennes de mai 2019 constituent à ce titre une échéance cruciale. Près de quatre ans après la signature de l’Accord de Paris sur le climat, l’Union européenne doit rapidement relever son ambition dans la lutte contre le changement climatique si elle souhaite conserver son rôle de leader sur le climat et inciter les autres pays du monde à faire de même. Pour espérer limiter le changement climatique à +1,5 °C ou +2 °C, beaucoup reste à faire, et agir au niveau de l’Union est indispensable : la transformation du système financier, des règles du commerce international, de l’appareil industriel ou encore l’établissement de standards pour les technologies bas-carbone sont autant de défis à relever à l’échelle du continent, pour espérer changer le cours de notre destin planétaire.

L’Union européenne ne part pas de zéro. Elle est en passe d’atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2020. Elle joue un rôle déterminant sur la scène internationale et s’est fixé des objectifs climatiques significatifs : ambitieux si on les compare à d’autres régions du monde mais insuffisants pour l’heure face à l’ampleur de la tâche à accomplir. La voie a été tracée dans la « Vision stratégique » publiée en novembre 2018 par la Commission européenne : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 à l’échelle de l’Union (soit réduire au minimum les émissions de gaz à effet de serre, et compenser les émissions résiduelles par la captation de la même quantité d’émissions). Y parvenir nécessite d’accélérer dès maintenant les transformations dans l’ensemble des secteurs de l’économie, le bâtiment, les transports, l’industrie, la production d’énergie et l’agriculture.

À mesure que les objectifs et, avec eux, l’ampleur des transformations à mener s’accroissent, de nouveaux défis apparaissent. Les leviers de réduction des émissions utilisés jusqu’ici (comme lancer le développement des énergies renouvelables électriques) étaient aussi les plus simples et les plus acceptables. Aujourd’hui, l’Union fait face à des choix politiquement plus difficiles.
La nécessaire reconversion de secteurs économiques fortement consommateurs d’énergies fossiles met en lumière des enjeux sociaux, mais aussi territoriaux. Les effets des politiques en faveur de la transition écologique, dont les coûts et les bénéfices ne sont pas nécessairement équitablement répartis, viennent mettre en lumière des inégalités sociales persistantes. L’asymétrie de traitement entre secteurs économiques, ou entre industries et ménages, peut faire l’objet de critiques et nourrir le rejet de politiques de transition pourtant nécessaires pour préserver le climat et améliorer le bien-être des citoyens européens et des générations futures. L’absence d’harmonisation européenne ne doit pas servir de prétexte à l’inaction. L’Union peut, par une action concertée, débloquer des évolutions indispensables pour la transition vers une production d’électricité décarbonée, un transport plus propre (taxation du transport aérien et interconnexions des infrastructures ferroviaires et de recharge), l’intégration du climat à la politique commerciale, ou la réorientation des flux financiers des investissements « marron » vers les investissements « verts».

La transition énergétique vient aussi interroger la capacité des institutions européennes à agir sur les préoccupations les plus concrètes des citoyens : peuvent-elles les aider à réduire leur empreinte carbone au quotidien, à se déplacer et à se chauffer différemment, tout en mettant fin à la précarité énergétique ? L’Union européenne des grands projets d’infrastructures peut-elle devenir – avec ses fonds structurels, la Banque européenne d’investissement (BEI), etc… – le canal de financement de la rénovation énergétique des logements et d’une mobilité quotidienne décarbonée ?

L’insuffisante coordination des politiques énergétiques nationales dans un système énergétique pourtant physiquement et économiquement interconnecté souligne également cruellement le débat, toujours inachevé, sur l’articulation entre politiques européennes, nationales et locales. Or, sans coordination des efforts, le coût de la transition énergétique et les risques en matière de sécurité d’approvisionnement ne peuvent qu’augmenter.

La transition énergétique pose également le défi de l’articulation de la trajectoire du système énergétique avec celle du secteur agricole et de l’utilisation des terres, où les enjeux de biodiversité et de santé des sols doivent être intégrés au même titre que ceux de la préservation du climat.

Enfin, le défi climatique vient interroger l’Europe sur sa place dans le monde : peut-elle entraîner par l’exemple les autres pays et régions, ou doit-elle adopter des positions plus fermes quant à l’accès à son marché commun, au risque de déclencher des replis protectionnistes potentiellement contre-productifs ?

Le défi climatique et énergétique fait ainsi écho aux débats fondamentaux présents au cœur du projet européen. Pour y répondre, nos think tanks se sont associés pour identifier des propositions concrètes, chacun sur un champ d’action déterminant : la gouvernance de la politique énergétique et climatique européenne, le verdissement de la finance et du budget européen, les instruments en faveur de la justice sociale et de l’innovation, la politique commerciale et, enfin, la décarbonation du secteur électrique. Notre conviction est qu’il y a urgence : pour ne pas s’enfermer dans des choix incompatibles avec la préservation du climat et de l’environnement et être à la hauteur des enjeux, la mandature européenne 2019-2024 devra impulser des transformations profondes et irréversibles. Il faut désormais agir résolument et sans attendre sur l’ensemble des leviers disponibles !

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