1999 : An 1 du parlementarisme européen ?

La démission de la Commission européenne en mars 1999 fera date dans l’histoire de l’intégration européenne. Certes, la Commission n’a pas été censurée ; elle a choisi de s’en aller, inventant du même coup une formule de démission collective que n’avaient pas envisagée les auteurs du Traité de Rome. Certes, le Parlement a paru renâcler devant l’obstacle, en chargeant un comité d’experts indépendants au statut incertain d’enquêter sur les fautes attribuées à certains commissaires et à leurs services. Ces innovations juridiques ne doivent toutefois pas faire illusion ; elles témoignent au contraire de la crise que traverse la machine institutionnelle communautaire est en crise. Les grands équilibres institutionnels mis en place par les fondateurs du marché commun, et qui sont à l’origine de l’extraordinaire dynamisme dont a fait preuve la Communauté depuis sa création, sont menacés par l’évolution du processus d’intégration.
A bien des égards, l’originalité du système communautaire tient au subtil compromis qu’il a su réaliser entre la défense des intérêts nationaux, point commun à toutes les organisations internationales, et la recherche de l’intérêt commun. Cette recherche d’équilibre s’est traduite dans une savante répartition des tâches. A la Commission européenne – organe autonome, comme chacun sait, mais aussi plurinational et pluripartisan – reviennent des fonctions d’impulsion et de préparation technique des décisions, qui relèvent traditionnellement de l’exécutif dans les systèmes nationaux. La décision proprement dite est l’apanage d’un organe intergouvernemental, le Conseil des Ministres, mais celui-ci peut dans certains cas décider à la majorité, ce qui réduit les risques de blocage. Au sein du Conseil, les petits Etats sont sur-représentés, afin que leurs intérêts soient dûment pris en compte. Enfin, ce sont les administrations nationales, agissant sous le contrôle de la Commission, qui assurent la mise en œuvre de la plupart des politiques communautaires.
Certes, ces éléments-clefs ont évolué au fil du temps. Mis sous l’éteignoir pendant près de vingt ans à la suite du “compromis de Luxembourg”, le vote à la majorité est redevenu une pratique plus courante – quoiqu’il constitue toujours l’exception – vers le milieu des années 80. La Commission, qui avait acquis une influence considérable sur l’agenda politique de la Communauté avec le programme d’achèvement du marché intérieur, a vu son leadership contesté au cours de la dernière décennie. Le Parlement européen a acquis un rôle grandissant au niveau budgétaire d’abord, au niveau législatif ensuite. Cependant, en soi, aucun de ces éléments n’a entraîné une remise en cause radicale de l’équilibre entre supranationalisme et intergouvernmentalisme qui caractérise l’architecture institutionnelle du traité de Rome.