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2025, vers un chemin européen pour l’innovation, la défense collective et la solidarité?

Infolettre décembre 2024

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Citer cet article

Matelly, S. « 2025, vers un chemin européen pour l’innovation, la défense collective et la solidarité? », Infolettre, Institut Jacques Delors, décembre 2024


L’année 2024 se termine et force et de constater qu’elle ne fut guère plus calme que les années qui la précédèrent. Année d’élections partout dans le monde (Taïwan, Russie, Inde, Iran, Etats-Unis pour ne citer que les élections les plus marquantes hors Union européenne), elle a conduit au sein de l’Union européenne au renouvellement du parlement européen après le 9 juin puis aux différentes nominations aux postes clés (Commission, Conseil, SEAE). Pourtant, ces élections européennes ont montré une Europe politiquement fragmentée, avec des partis traditionnels affaiblis, à l’exception du parti populaire européen, par la montée des mouvements d’extrême-droite. Cette droitisation des institutions européennes risque de compliquer l’identification de solutions permettant de concilier la cohésion interne et les défis externes. Dans le même temps, la marche chaotique de la coalition au pouvoir en Allemagne puis l’annonce de nouvelles élections en février prochain, couplées à la dissolution de l’Assemblée nationale en France et après les élections législatives ne donnant aucune majorité claire fragilisent plus que jamais le couple franco-allemand à Bruxelles et par conséquent, un élément moteur essentiel pour l’intégration européenne.

En novembre, l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, son programme, les menaces réitérées sur les droits de douane ou le conflit en Ukraine et les premières nominations laissent augurer des temps difficiles pour l’Europe et la Monde alors que l’instabilité géopolitique n’avait encore cessé de croître tout au long de l’année avec des résonnances systématiques local / global menaçant de déstabiliser nombre d’Etats et avec encore plus d’évidence, des démocraties à bout de souffle. Pendant ce temps, la gestion des crises climatiques devenait toujours plus urgente, avec des événements météorologiques extrêmes qui frappaient de manière dévastatrice plusieurs régions du monde, amplifiant les appels à une action plus ambitieuse contre le changement climatique. La COP 29 à Bakou s’est de ce point de vue révélée très décevante même si peu de résultats en étaient attendus.

L’Europe, telle que nous la connaissions, semble aujourd’hui sur le point de se fracturer. Entre un désir d’autonomie stratégique qui peine à se concrétiser, une demande multiforme de sécurité  par les citoyens et des tensions internes qui minent sa cohésion. L’UE se trouve à un carrefour décisif. Elle doit répondre à une urgence climatique qui s’est révélée avec acuité encore cette année. Les inondations et canicules de 2024 ont en effet rappelé à quel point il est urgent de concrétiser les engagements climatiques pris alors que dans le même temps, la montée des populismes, les tensions internes et les contestations quant à la trajectoire tracée par le Pacte Vert fragilisent son unité et sa capacité à répondre de manière coordonnée aux crises globales. L’Europe doit par ailleurs faire face à la montée du protectionnisme aux Etats-Unis en particulier et en même temps, à une concurrence chinoise exacerbée dans des secteurs clés (constructeurs automobiles et véhicules électriques par exemple). Elle décroche sur le plan de son économie, de l’innovation, de sa compétitivité mais aussi de sa défense.

Face à un monde aujourd’hui disruptif et plutôt que de continuer à gérer des crises, l’Europe ne doit-elle pas en 2025 prendre un virage radical : celui d’une refondation ambitieuse, qui repense sa structure politique, sa solidarité interne et son rôle sur la scène mondiale. L’inaction face à ces défis pourrait bien être la plus grande menace pour son avenir. C’est quelque part la teneur de la déclaration des chefs d’Etats à Budapest au tout début du mois de novembre, souhaitons que le renouvellement des institutions européennes après les élections de juin dernier permet d’aller dans cette voie. C’est aussi ce que souligne Sébastien Maillard dans son article sur l’Albanie, face au défi majeur de son intégration dans l’UE. Ce processus est plus que jamais un test pour l’Europe : comment intégrer un pays des Balkans tout en préservant son intégrité géopolitique et son unité ?

D’autre part, la question de la défense européenne est restée au centre des préoccupations, notamment avec le rôle de l’OTAN. Nicole Gnesotto soulève les enjeux cruciaux dans la relation entre Donald Trump, l’OTAN et l’avenir de la défense européenne, particulièrement après la réélection du leader républicain et les risques de divisions alors qu’une réflexion sérieuse sur l’indépendance stratégique de l’Europe face à un partenaire américain volatile serait indispensable.

Par ailleurs, l’adaptation du marché unique européen face à la concurrence géopolitique a été un sujet central, notamment avec l’infographie réalisée par Andreas Eisl et Eulalia Rubio. Elle a mis en lumière les enjeux cruciaux pour maintenir une compétitivité européenne tout en gérant les défis posés par de nouveaux acteurs mondiaux. Le marché unique doit évoluer pour répondre aux pressions de la Chine, des États-Unis et de la Russie, dans un contexte où la souveraineté économique devient une priorité. Dans son premier Blogpost pour notre Institut, Bertrand de Cordoue questionne ce concept même de souveraineté européenne. La question d’une politique industrielle européenne compétitive a aussi été explorée par Andreas Eisl. À l’heure où le monde se redessine sur le plan technologique et énergétique, l’Europe doit absolument repenser ses stratégies industrielles pour ne pas rester à la traîne face aux puissances économiques mondiales.

Un autre point essentiel qui a marqué le mois de novembre a été la question de l’influence chinoise en Europe. Alors que les européens restent relativement ouverts aux investissements chinois dans le domaine des voitures électriques malgré les droits de douane récemment imposés, Arthur Leichthammer du Centre Jacques Delors à Berlin alerte sur les risques que peuvent présenter ces investissements s’ils ne sont pas encadrés. Jacob Kean-Hammerson et Romain Collet reviennent quant à eux pour Europe Jacques Delors à Bruxelles sur les négociations finales du traité mondial sur les plastiques. Cet accord, en passe de devenir un pilier pour la régulation des déchets plastiques, soulève d’importantes questions concernant l’harmonisation des législations et les compromis nécessaires entre les pays membres.

Une fois de plus, l’Europe, dans toute sa diversité, doit trouver le chemin de l’innovation, de la défense collective et de la solidarité. C’est ainsi qu’elle pourra surmonter les obstacles qui se dressent devant elle et se réinventer pour les générations futures. Souhaitons-lui, souhaitons-nous cela pour 2025 et les 5 années qui viennent.

Bonnes fêtes à vous tous,

Sylvie Matelly 

Directrice de l’Institut Jacques Delors