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« Allons, courage, le Printemps de l’Europe est toujours devant nous ! » Jacques Delors, Discours devant le Parlement européen, 19 janvier 1995

Infolettre Janvier 2024

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Matelly S. « ‘Allons, courage, le Printemps de l’Europe est toujours devant nous !’ Jacques Delors, Discours devant le Parlement européen, 19 janvier 1995 », Infolettre, Paris : Institut Jacques Delors, janvier 2024


Le 27 décembre dernier disparaissait notre Président fondateur Jacques Delors. Les nombreux articles publiés et les hommages rendus partout en Europe et au-delà soulignent  en évidence la pertinence de sa vision pour l’Europe et des projets qu’il a initiés ou accompagnés : dialogue social européen, programme Erasmus, marché et monnaie unique, renforcement de la politique de cohésion, programmes européens de recherche. Il pensait l’Europe unie et solidaire et sa vision reste ambitieuse et visionnaire. Ne défendait-il pas dés 1992 le projet d’une taxe carbone ou un peu plus tard, celui d’une communauté européenne de l’énergie qui nous fit si cruellement défaut au moment du déclenchement de la guerre en Ukraine ? N’avait-il pas à maintes reprises rappelé qu’on ne tombe amoureux ni d’un marché, ni d’une monnaie unique, recommandant de penser aussi aux dimensions politique, sociale, ou écologique de la construction européenne ? Encore en 2020, ne s’inquiétait-il pas du manque de solidarité des européens face à la pandémie de Covid 19, « danger mortel » pour l’Europe expliquait-il ?

Pour beaucoup d’entre nous, constatait Enrico Letta, dans une tribune au Journal La Croix, « Jacques Delors a été le véritable architecte de l’Europe rêvée. Un rêve devenu réalité. La génération de ceux qui, comme moi, sont nés dans les années 1960, et celles qui ont suivi ont pu assister à la naissance de l’Europe sans frontières qu’ils appelaient de leurs vœux et ont eu le privilège de vivre toutes les opportunités de paix et de développement que celle-ci représentait ». J’en fait partie et lorsque je prends mes fonctions à la tête de l’Institut Jacques Delors le 2 octobre 2023, j’ai bien évidemment tout cela en tête et une réelle fierté d’avoir eu cet honneur d’être choisi pour diriger l’Institut qu’il a créé et l’équipe qui lui était si attachée. En entrant dans mon bureau, ce lundi-là, la première chose que je vois est sa photo, fixé-là comme figure tutélaire et en même temps rassurante. Un peu plus tard, une collègue m’apporte quelques ouvrages clés d’entretiens de Jacques Delors. J’y affine alors ma compréhension de ce qu’il était, des valeurs qu’il portait de sa méthode et de sa vision de l’Europe, une vision si contemporaine et si actuelle qu’on pourrait penser à un programme de travail pour les vingt prochaines années.

Jacques Delors, c’était aussi une méthode décrite par Pascal Lamy dans un texte publié il y a quelques jours par le Grand Continent : « il traçait une voie à suivre en la jalonnant de radars. Ceux-ci signalaient tous les obstacles imprévus qui s’ils n’étaient pas pris en compte risquaient de conduire à faire fausse route ou de provoquer des embardées. La méthode Delors était à cet égard assez scientifique ».

Je n’ai pas eu le temps de le rencontrer et cela restera un regret. Pourtant sans l’avoir vraiment connu, le manque est palpable tant sa présence reste perceptible encore aujourd’hui. Beaucoup parmi nous étaient très proches et les anecdotes ont vite fusé entre nous. Il laisse aussi trois instituts à Paris, Berlin et Bruxelles qu’il a créé et dont il était si fier. Tous les projets que nous portons (jeunesse, énergie, environnement et climat, grande Europe, Europe sociale, marché unique etc.) nous ont été inspirés par ses idées comme les valeurs que nous défendons et qui étaient aussi les siennes.

Enfin, il y eut tous ces hommages. Ils permettent de mesurer l’empreinte laissée par Jacques Delors. En écrivant ces quelques lignes, je pense bien sûr à sa famille et à tous ses proches dont nous sommes nombreux à partager le chagrin. Pour nous, Institut Jacques Delors, le défi à relever à présent n’est pas mince surtout en cette année 2024, année d’élections européennes dans un contexte international plus conflictuel que jamais. Dans son discours, lors de la cérémonie d’hommage, le 5 janvier dernier, le Président français résumait ainsi l’ambition de Jacques Delors : « Réconcilier les peuples désormais, pour qu’aucune vie ne soit plus jamais fauchée mutilée par l’aveuglement des hommes et réconcilier l’Europe avec son avenir. ». Chaque jour met en évidence l’inachèvement du projet de Jacques Delors. Un peu seuls à présent, nous sommes pourtant plus motivés que jamais pour le poursuivre grâce au chemin pavé par notre fondateur.

Au revoir Monsieur le Président et merci pour ce riche héritage.

Sylvie Matelly

Directrice de l’Institut Jacques Delors