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Barnier et l’UE : Sisyphe ou Hercule ?

Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion

Dès les premières heures de sa primature, Michel Barnier a été confronté au paradoxe européen qui risque de le suivre durant toute la durée de ses fonctions : d’un côté, sa nomination a été saluée à l’échelle continentale par de nombreuses personnalités, y compris le Premier ministre hongrois eurosceptique Viktor Orban ; mais d’un autre côté son agenda européen s’annonce aussi chargé qu’épineux.

Quelles sont ses urgences institutionnelles européennes immédiates ? qui s’ajoutent à la redoutable question de la constitution de son gouvernement.

Proposer un Commissaire européen français en la personne de Thierry Breton n’est pas aussi aisé qu’il y paraît au vu du bilan de celui-ci : celui-ci ne peut remplir pas l’objectif de parité annoncé par la présidente Von der Leyen et il est perçu comme un rival par celle-ci, surtout si la France demande une « promotion » comme vice-président de la Commission européenne. Présenter le plan budgétaire et structurel national à moyen terme à la Commission est rendu si délicat par le déclenchement de la procédure pour déficit excessif concernant la France que le locataire de Matignon demande d’ores et déjà un délai par rapport à la date du 20 septembre prévue initialement. Et faire entendre la voix de la France en Europe est devenu bien plus difficile pour le Premier ministre : au Parlement européen, Michel Barnier ne peut compter que sur 13 eurodéputés Renaissance et 5 eurodéputés Les Républicains face aux 30 députés du Rassemblement national. En outre, tous les partenaires européens connaissent la fragilité de la position gouvernementale et parlementaire du Premier ministre et de son futur gouvernement, qui aggrave la position budgétaire du pays. Enfin, l’ambiguïté de la situation politique intérieure – ni cohabitation ni coalition – rend incertain le rôle européen du Premier ministre. En cas de cohabitation « dure » ou « franche », c’est au Premier ministre que la capacité d’engager la France en Europe incombe. Mais, dans le cas présent, le Président de la République continuera à faire de l’action européenne sa marque de fabrique politique, laissant peu d’espace à son Premier ministre, pourtant extérieur au parti présidentiel… une véritable tunique de Nessus.

Dans ces conditions, un Hercule politique paraîtrait bien entravé pour mener à bien ses travaux. Car aux contraintes externes s’ajoutent des contraintes internes : le profil europhile du Premier ministre risque de mal s’accommoder d’une Assemblée nationale plus euro frileuse, à droite comme à gauche. Quant à la procédure pour déficit excessif, elle surplombera l’élaboration du Projet de Loi de Finances 2025 sur lequel l’équipe gouvernemental jouera sans doute sa survie.

Toutefois, Michel Barnier ne manque pas d’atouts pour faire naviguer le navire France dans les eaux troublées de la présidence hongroise à très court terme. Son parti politique d’origine peut revendiquer avec succès une victoire électorale nette à l’échelon européen : avec 188 sièges, soit 26% des eurodéputés et la présidence de la Commission européenne, il est la force politique dominante en Europe. Sa longue expérience européenne interne lui permettra aussi de peser à Bruxelles même si son rôle institutionnel européen est rogné par le président de la République. Et le sérieux de son expérience de négociation, pour le Brexit et au sein du Collège, lui permettra sans doute de se démarquer des styles respectifs très disruptifs et d’Emmanuel Macron et de Viktor Orban.

En somme, si Hercule veut éviter la métamorphose en Sisyphe, il lui faudra inlassablement, comme le héros grec, affronter l’adversité en trouvant des alliés dans chaque épreuve. A Paris comme à Bruxelles et Strasbourg.

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