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Cette Europe qui se protège de Macron
En manque de relais solides parmi les dirigeants nationaux, et singulièrement en Allemagne, le président français n’en reçoit guère davantage du Parlement européen.
Dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, Emmanuel Macron avait eu un discours visionnaire pour l’Europe. Dans l’hémicycle de Strasbourg, sept mois plus tard, le tribun est descendu dans l’arène. Il a en éprouvé la dure réalité, celle de l’immobilité des positions politiques qu’il a tant su faire bouger en France dans sa course présidentielle. S’il a eu droit aux applaudissements debout d’une large partie du Parlement européen, ce fut d’abord pour le remercier de sa prestation au terme de trois heures d’échanges sans concession.
En s’adressant au Parlement européen, Emmanuel Macron savait qu’il affrontait une assemblée où aucun n’appartient à sa famille politique, comme il l’a souligné à la fin du débat. Et où, hormis les élus du groupe ADLE (centre libéraux) menés par Guy Verhodfstadt et quelques-uns parmi le PPE (Parti populaire européen, droite) et sociaux-démocrates, nul ne se montre pressé de le suivre. La charge du chef de file des Verts, Philippe Lamberts, a même été des plus rudes alors que son groupe est traditionnellement des plus pro-européens. Le président français a rencontré surtout un groupe PPE, le plus puissant de la législature, qui cherche à ne pas se laisser emporter dans sa dynamique et comme à freiner son élan.
À leur égard, Emmanuel Macron s’en est pris à une Europe frileuse, du statu quo, d’une mollesse et prudence qu’il juge mortifères. Une « Europe des somnambules », a-t-il résumé. Mais ceux-ci ne veulent pas le suivre aveuglément. Ils redoutent une Europe à la française, conditionnant et sous-pesant tout éventuel soutien. En somme, tandis que le chef de l’État a décliné de nouveau ses priorités pour une « Europe qui protège », cette Europe au pouvoir veut se protéger de lui.
Le vote contre son projet de listes transnationales au début de l’année en avait déjà été le premier signal clair. Le dernier est venu directement du Bundestag, où la CDU-CSU a montré son hostilité à toute sérieuse avancée de l’Union économique et monétaire. Qu’elle soit au Parlement européen ou à Berlin, l’Allemagne n’est pas au rendez-vous que lui propose Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir. Il voulait gouverner « avec » elle mais elle lui tourne le dos. Une rencontre avec la chancelière ne suffira pas à insuffler un dynamisme franco-allemand qui reste pour l’heure introuvable, après six mois de patience à Paris qu’une coalition prenne forme à Berlin. De nombreux députés européens ont exprimé leur crainte au président français devant un couple franco-allemand jugé trop exclusif mais ce couple reste à ce stade de pure forme. Le moteur tourne à vide.
Emmanuel Macron cherche à sortir de ce contexte politique défavorable. D’une part, intervenant après les élections hongroises, il se pose en défenseur de la démocratie libérale, celle qui ne se borne pas au règne indiscutable de la majorité mais qui se définit comme inséparable du respect de l’état de droit. En se positionnant comme l’anti-Orban d’Europe, il touche aux fondamentaux de la construction européenne. Et il appuie là où cela peut faire mal au PPE et où il pourrait se diviser si le premier ministre hongrois aggravait ses provocations.
D’autre part, le président français marque ses priorités. De son long catalogue de propositions européennes énuméré dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre dernier, il n’a pas tout ressorti à Strasbourg. La réforme de l’Union économique et monétaire est prudemment étalée sur plusieurs années, une énième « feuille de route » devant juste à ce stade être conclue avec Angela Merkel pour juin. En revanche, la taxation des Gafa et la réforme du droit d’asile ou encore la protection des frontières extérieures de l’Union ont été clairement affirmées comme les réalisations à rendre concrètes d’ici aux élections européennes.
Enfin, à défaut de soutiens au Conseil et au Parlement européen, Emmanuel Macron part en chercher à travers les « consultations citoyennes », qu’il a lancées en France ce même 17 avril depuis Épinal dans les Vosges. Cet exercice de démocratie participative, inédit à l’échelle européenne, pourrait servir à faire remonter des thèmes refusés jusqu’ici par ses pairs. En débattant près de trois heures à Strasbourg, le président français a témoigné son respect du Parlement européen. Mais en poursuivant le débat sous une forme plus populaire à Épinal, il a envoyé le message que sa refondation de l’Europe ne se jouait pas avec une assemblée sortante mais se préparait en cherchant des forces nouvelles.
Sébastien Maillard
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