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Cinq leçons d’Amérique
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Gnesotto, N. « Cinq leçons d’Amérique », Blogpost, Institut Jacques Delors, Novembre 2024
- La régression qui dévore le monde a pour cible première les femmes. En Iran, en Afghanistan, dans l’ensemble des pays musulmans, il faut les voiler et les enfermer. Onu-Femmes estime que 89 000 femmes et filles ont été tuées dans le monde en 2022, chiffre le plus élevé de ces vingt dernières années. En Occident, c’est moins l’islamisme qui veut les contraindre que la revanche du mâle blanc, avec tous ses copains les mâles hispano, afro-américains, jaunes ou café au lait, déboussolés non seulement par la crise économique mais surtout par quatre décennies de féminisme militant pour l’égalité des sexes. Méfions-nous. Le combat des femmes n’est pas une anecdote de l’histoire. Il est l’Histoire avec un grand H, et les Européennes ne sont ni plus malignes ni plus protégées que les Américaines.
- Comment est-on tombé si bas ? Cette question devrait tarauder tous les démocrates de la terre. Car l’évènement est moins l’élection de Donald Trump que l’écrasante ampleur de sa victoire. Qu’avons-nous fait, ou négligé de faire, depuis 50 ans, pour que l’hystérie l’emporte sur la raison, l’injure sur le dialogue, la violence sur le respect, pour que l’esprit de revanche domine et avec lui le plaisir de punir, marginaliser, dénoncer, ignorer, dans le meilleur des cas, les autres. La crise américaine dépasse en effet largement les frontières des Etats-Unis. Elle est le pic émergé d’une crise majeure de nos démocraties occidentales, dont les trois volets volent ensemble en éclats : le libéralisme et l’ouverture économique, la démocratie représentative, la bienveillance de la puissance américaine.
- Mais ce qui secoue l’intérieur de la démocratie américaine secoue également la gouvernance occidentale du monde. Le Sud global déteste nos prétentions à incarner le Bien et nos certitudes morales. Le peuple populiste déteste nos règles, notre bien-pensance, notre culture et nos principes. Nous essayons, en toute bonne foi souvent, de les convaincre de leur erreur et de les ramener vers un soutien massif de la démocratie et de ses valeurs. Las ! Ils n’y croient plus. Trop exclus depuis trop longtemps, ils veulent leur revanche. Trop méprisés, ils veulent désormais dominer. C’est en effet un même mouvement qui attaque partout l’effarant complexe de supériorité occidentale, dans nos démocraties et dans le reste du monde, la rançon de notre arrogance intérieure autant qu’extérieure.
- La victoire de Trump est une catastrophe pour l’Union européenne. Non pas seulement à cause des guerres commerciales qu’il va déclencher, sur l’automobile notamment. Non pas seulement pour les risques géopolitiques que son imprévisibilité sur l’OTAN et son amitié pour Vladimir Poutine vont accroitre. Mais parce qu’elle va conforter toutes les résistances populistes en Europe contre le droit, les normes, les règles, bref contre toute entrave extérieure, autrement dit bruxelloise, aux souverainetés nationales. Elon Musk et Victor Orban partagent les mêmes haines de de l’administration, des régulations, des contre-pouvoirs. Au nom de la liberté, ils veulent détruire les institutions qui garantissent notre liberté. Tous les populistes européens, à commencer par le RN en France, sont les grands vainqueurs de cette élection. Leur antiaméricanisme traditionnel a fait long feu.
- S’unir et résister, telle est la seule réponse politique que l’Europe doit concevoir et mettre en œuvre. Le réflexe immédiat ne sera toutefois pas celui-là : se diviser, courir chacun pour soi jusqu’à Mar el Lago pour obtenir la meilleure photo avec Trump, temporiser, fermer les yeux, boire le calice, accepter l’inacceptable, les Européens savent faire tout cela. D’ailleurs, la Commission n’est même pas encore nommée ni avalisée par le Parlement qui prend son temps, comme s’il était le maître de ses horloges. Ce sont les Etats qui doivent prendre le relais du leadership européen nécessaire en urgence : un conseil européen extraordinaire est sans doute peu crédible car la présidence de Victor Orban délégitime cette institution. C’est donc Paris, Berlin, Rome, Madrid et Varsovie qui doivent réagir ensemble. Qu’attend le Président français pour inviter à dîner les 5 grands européens, pour relever ensemble le défi américain ?
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