Décryptage
La politique climatique du nouveau gouvernement allemand est-elle à la hauteur de ses ambitions ?
Introduction
Placée au cœur de la campagne électorale allemande durant l’été 2022, la question de l’atténuation du dérèglement climatique a constitué l’un des thèmes électoraux décisifs pour les citoyens allemands[1]. Après les élections, les sociaux-démocrates (SPD), le parti vert (Bündnis90/Die Grünen) et les libéraux (FDP) ont entamé des négociations pour aboutir à une coalition gouvernementale. Le 24 novembre, ces partis ont présenté leur accord de gouvernement, sous le titre « Oser plus de progrès »[2]. Bien qu’appelé « traité de coalition », il s’agit en fait d’une déclaration d’intention et non d’un contrat au sens juridique du terme[3]. Le programme gouvernemental pour les quatre années de la mandature y est détaillé en 177 pages.
La nouvelle coalition gouvernementale est entrée en fonction en décembre 2021. Un mois plus tard, le 11 janvier 2022, Robert Habeck, le nouveau ministre fédéral allemand de l’économie et de la protection du climat, présentait sa première analyse de la situation en matière d’atténuation du dérèglement climatique en affirmant : « Nous devons tripler les réductions annuelles d’émissions »[4]. Il annonçait également un programme d’urgence climatique, qui prévoit la présentation au printemps et à l’été 2022 de paquets législatifs devant servir de base au triplement de ces efforts en faveur du climat. Le nouveau gouvernement est par ailleurs pleinement déterminé à soutenir la réforme de la législation de l’UE afin que celle-ci atteigne son objectif de neutralité climatique d’ici 2050.
Depuis vingt ans, l’Allemagne met en œuvre son « tournant énergétique » (Energiewende)[5]. Pour parvenir à la neutralité climatique d’ici 2045, cinq ans avant la France ou l’Union européenne, la nouvelle coalition est déterminée à engager ce qui ressemble bien à une révolution de son système énergétique et de son économie. Ce Policy Brief examine le contrat de coalition ainsi que les premières annonces gouvernementales dans chaque secteur[6] (électricité, industrie, mobilité, bâtiments) et offre un aperçu des politiques transversales (innovation, gouvernance, prix du carbone). Il propose en conclusion des recommandations concrètes sur la manière dont la politique climatique de l’UE peut renforcer les points forts et pallier les carences des projets du nouveau gouvernement allemand.
[1] Voir l’enquête dans cet article ou celle réalisée après l’élection dans cet autre article.
[2] Ce titre fait référence au chancelier Willy Brandt, qui avait dirigé la première coalition entre la SPD et la FDP entre 1969 et 1974. Il avait conclu son premier discours en tant que chancelier par « Oser plus de démocratie ». Le contrat de coalition est accessible ici.
[3] Malgré la nature non contraignante et une confiance plutôt faible des citoyens dans les promesses de ces documents, deux études (ici et là) de la Fondation Bertelsmann ont conclu que les deux gouvernements allemands précédents avaient adopté près de 80% des mesures proposées au cours de leur législature.
[5] Delair & Pellerin-Carlin (2021) : La transition énergétique allemande – Bilan de 20 ans de choix politiques, Policy Brief n° 270, septembre 2021. Institut Jacques Delors : Paris.
[6] Classement par quantité d’émissions de ces secteurs. Voir Annexe 1.
Citer cet article :
Leuser L., Delair M., Pellerin-Carlin T. 2022. «La politique climatique du nouveau gouvernement allemand est-elle à la hauteur de ses ambitions ?», Décryptage, Institut Jacques Delors, 2 mars.