Policy Paper N°308
Défense 25 : sortir des sentiers battus
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Gnesotto, N. « Défense 25 : sortir des sentiers battus », Policy Paper N. 308, Institut Jacques Delors, janvier 2025
L’Europe est aujourd’hui menacée comme elle ne l’a jamais été depuis la fin de la guerre froide. Au-delà de la guerre en Ukraine, la plus grande menace réside surtout dans l’incertitude majeure qui régit les politiques des deux puissances déterminantes pour son avenir : les États-Unis et la Russie. Nul ne sait en effet ce que nous réserve Donald Trump, de même que nul ne sait définir exactement l’état des faiblesses et des solidités de la Russie de Vladimir Poutine. C’est cette double confusion qui nécessite que priorité soit donnée, par les États et les institutions européennes, aux questions stratégiques. Mais cette double incertitude exige aussi que les Européens sortent des sentiers battus de la défense européenne.
Poutine et Trump : ces deux hommes non-européens décideront de l’avenir de la politique de défense de l’UE. L’agression russe contre l’Ukraine, en février 2022, avait déjà convaincu les Européens de prendre très au sérieux leurs politiques de défense. L’élection spectaculaire de Donald Trump en novembre 2024 pourrait représenter un second coup de fouet stratégique pour l’UE. Ce fut le cas déjà en 2016, lorsque la conjonction du Brexit et du premier mandat Trump avaient profondément secoué l’atonie des Européens en la matière.
Pourtant, le paradoxe est flagrant entre un consensus remarquable sur la nécessité d’une politique de défense commune et, depuis deux ans, une stagnation non moins grande de la politique en question.
Les Européens ont en effet engrangé d’énormes progrès en matière de défense depuis 2022 : ils se réarment, ils arment l’Ukraine, ils rationalisent leur industrie d’armements, ils soutiennent financièrement la production industrielle, ils augment leur budget de défense, ils parlent tous, certes plus ou moins fort, d’autonomie stratégique, même la France s’est ralliée à l’idée d’un pilier européen de l’Otan, or… rien ne change vraiment : le marché de l’armement reste largement un marché atlantique ; le pilier européen de l’OTAN reste une formule magique sans contenu véritable ; la guerre en Ukraine ne déclenche aucune innovation diplomatique, ni aucune doctrine de défense de l’Union. Bref, si Donald Trump décidait demain de renier l’adhésion américaine à l’Otan, ou de conditionner très chèrement la protection américaine, on en serait au même point qu’en 2016 : dépourvus, non préparés, impuissants.
C’est ce paradoxe qu’il convient de résoudre, par un double mouvement : conforter l’alliance euro-américaine, être prêts à s’y substituer si besoin est.