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Discours du Commissaire Thierry Breton – Conférence « Futur de l’Europe » à l’Institut Jacques Delors

| 11/12/2023

Discours prononcé par le Commissaire Thierry Breton le 11 décembre 2023 à l’occasion de la Conférence annuelle de l’Institut Jacques Delors « Quel avenir pour le marché unique face aux transformations géopolitiques mondiales ? »

 

Mesdames et Messieurs, chers amis et collègues,

Je suis ravi de vous retrouver aujourd’hui et honoré d’avoir l’opportunité de clôturer cette matinée de débats, sous les auspices de l’Institut Jacques Delors et sous le regard éclairé de son président, Enrico Letta.

J’ai déjà eu l’occasion de dialoguer avec beaucoup d’entre vous, dans différents contextes, sur les défis et les possibilités liés au marché intérieur. Je sais, cher Enrico, que vos travaux, dans le cadre du rapport sur l’avenir du marché intérieur qui vous a été confié, sont en train de gagner en intensité, avec plus de 100 demandes de réunions qui vous ont déjà été faites, et je suis certain que la conférence d’aujourd’hui va nourrir vos réflexions.

[Prologue : le marché intérieur ou l’Europe en action]

Poser la question de l’avenir du marché intérieur, c’est poser la question de l’avenir de l’Europe. Car le marché intérieur est bien plus qu’un simple marché.

Depuis le plan de Jacques Delors visant à abolir les frontières, le marché intérieur est devenu l’un des plus grands succès de l’Union européenne. C’est le fondement de notre économie, condition indispensable pour notre compétitivité à long terme.

Les avantages du marché intérieur sont incontestables. Nous avons éliminé les droits de douane, les coûts d’échanges ont considérablement baissé, nous avons des normes communes garantissant un large choix de produits sûrs (et de plus en plus durables), nous sommes libres d’étudier, travailler ou encore – un jour lointain ! – prendre notre retraite dans un autre État membre.

Le Brexit l’a bien montré à nos voisins britanniques : c’est lorsque l’on perd ces avantages que l’on en prend conscience.

Bien plus qu’un garant de la libre circulation des services, des biens, des personnes et des capitaux depuis maintenant trente ans, le marché intérieur est devenu une force motrice qui équilibre et propulse l’Europe. Autrement dit, au-delà de sa nature prescriptive – un ensemble de règles à mettre en œuvre et à respecter pour nous-mêmes – le marché intérieur a pris une dimension performative : il est l’Europe en action qui projette son modèle et ses valeurs au plan global.

Mais les transformations géopolitiques mondiales en cours exercent sur le marché intérieur des pressions énormes, qui portent en germe le risque de fragmentation.

Au gré des crises sans commune mesure qui se succèdent depuis quelques années, on a vu en effet apparaître des lignes de fracture sur lesquelles nous devons agir. Je garde en mémoire les blocages erratiques à nos frontières intérieures, aux premières heures de la pandémie, et les discussions difficiles que nous avons eues pour faire lever les barrières et garder les chaînes de valeurs et d’approvisionnement ouvertes.

Une improvisation qui – malgré son succès – a laissé un goût d’inachevé et qui a montré combien les réflexes nationaux prévalaient encore en temps de crise. Or, si l’Union européenne existe, c’est bien pour que chacune de ses parties soit plus forte, ensemble. D’où l’importance d’une meilleure anticipation et gestion des crises, et de réponses – y compris financières – qui évitent la fragmentation. J’y reviendrai.

Mais la pandémie, puis la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine et la crise énergétique ont aussi révélé l’ampleur de nos vulnérabilités vis-à-vis du monde extérieur. Il s’agit notamment des nombreuses dépendances asymétriques dont l’Europe fait l’objet, matières premières, produits et technologies confondus.

Nous avons tiré la leçon de ces expériences. Elle est très simple : il n’y a pas d’emplois, de compétitivité et d’indépendance politique et économique sans usines. Il faut ré-industrialiser notre continent.

Il ne s’agit pas de tout produire en Europe mais, face à la course mondiale aux technologies, dans un contexte d’instabilité géopolitique croissante, de sécuriser nos chaines d’approvisionnement. D’exporter nos produits mais pas nos emplois. D’éviter de remplacer une dépendance au gaz russe par une dépendance au solaire chinois. Je reviendrai sur ce point, aussi.

Les débats de ce matin ont mis en exergue – pour résumer – deux grands impératifs pour le marché intérieur: d’abord un impératif de modernité – autrement dit la capacité de fonctionner avec son temps, par tous les temps ; ensuite un impératif stratégique – autrement dit la capacité d’agir sur son temps, sur le cours des choses.

Si vous le permettez je reprendrai ces deux axes de réflexion.

 

[Impératif de modernité : un marché intérieur ancré dans son temps]

D’abord sur l’impératif de modernité. Nous parlions ce matin du « marché intérieur 4.0 ». Derrière cet impératif de modernité, je vois trois besoins : un besoin de simplification, un besoin de coopération et un besoin d’anticipation.

Sur le besoin de simplification tout d’abord.

Nous adaptons le marché intérieur à l’ère du numérique pour simplifier son fonctionnement quotidien au bénéfice de nos concitoyens et de nos entreprises. Par exemple avec la passerelle numérique unique (Single Digital Gateway), grâce à laquelle à partir de demain [mardi 12 décembre] nos citoyens et les PME n’auront plus besoin de soumettre à nouveau des documents dans différents pays. Ou encore avec le portefeuille européen d’identité numérique, ou le système de facturation électronique de la TVA.

Simplifier, ensuite, la vie de nos PME, qui sont, je le rappelle, le cœur et le moteur de notre marché intérieur.

Tout d’abord en s’assurant que notre législation est adaptée et ne crée pas de charge inutile sur les PME. Il s’agit par exemple d’allonger les périodes de transition pour les PME et de veiller à ce que les obligations de reporting soient proportionnées. D’où l’engagement de la Commission à réduire de 25 % les exigences en matière de reporting et des propositions telles que la révision du code des douanes de l’Union, la révision du règlement relatif aux statistiques européennes, ou encore diverses mesures sectorielles visant à réduire la charge par exemple dans les activités agricoles.

En parallèle, nous nous sommes attaqués aux retards de paiement, responsables d’une faillite sur quatre, et nous avons proposé de simplifier la fiscalité pour les PME opérant dans plusieurs États-membres.

Bien entendu, ce besoin de simplification est le corollaire d’une plus grande coopération. Cela résume mon approche sur le respect des règles. À ce titre, la Commission européenne assume pleinement son rôle et continue de prendre, à intervalles réguliers, des décisions relatives à des procédures d’infraction à l’endroit des États-membres qui ne transposent pas ou mal les règles du marché intérieur. Nous l’avons fait par exemple le mois dernier pour les professions règlementées, les prestataires de service dans le secteur de la construction ou les retards de paiement.

Cela étant dit, le bon fonctionnement de notre marché intérieur ne peut se résumer à la « verticalité » de la règle. Je crois beaucoup dans la force de la pression par les « pairs ». C’est pour cela que la Commission européenne et les États-membres doivent poursuivre et intensifier leur travail collectif.

Je dirais que nous sommes sur la bonne voie. Je pense en particulier au bilan plus que prometteur du groupe de travail sur le respect de l’application des règles du marché intérieur – la task force SMET. Ensemble, nous avons levé de nombreux obstacles, très concrets : par exemple les quelques 300 contrôles préalables superflus dans le domaine des qualifications professionnelles, ou tout le travail actuel pour mettre fin aux discriminations à l’IBAN – le numéro international de compte bancaire – qui obligent citoyens et travailleurs à ouvrir un compte dans un État-membre autre que le leur, pour des raisons fiscales ou sociales. Et nous avons fait cela sans lancer d’infraction. L’infraction ne peut être le proxy pour juger de l’activisme – ou non– de la Commission à l’endroit de la défense du Marché intérieur. C’est un élément que j’ai souhaité pousser en arrivant. Je suis heureux qu’il porte ses fruits.

Plus largement, nous avons proposé à chaque État-membre de créer un bureau du marché intérieur. Ces bureaux offriraient une approche plus structurelle au niveau national et permettraient de mieux faire entendre la voix du marché intérieur au plus proche des citoyens et des entreprises. Après tout, chaque État Membre dispose bien d’une autorité nationale de la concurrence. Ces bureaux du marché intérieur doivent pouvoir devenir l’équivalent pour notre marché intérieur.

Enfin, je le disais dans mon introduction, le marché intérieur doit se doter d’une meilleure capacité d’anticipation. Nous devons tirer les leçons des crises qui se succèdent. Pour que les réflexes de repli sur soi – au sein de l’UE mais aussi de nos partenaires internationaux – n’accroissent pas nos difficultés collectives en cas de crises. Pour éviter des pénuries de biens. Pour que nos concitoyens, nos services et nos marchandises continuent à circuler et à faire marcher notre économie. C’est tout l’objet de l’instrument d’urgence du marché intérieur (SMEI), où j’appelle de mes vœux un accord rapide et ambitieux du Parlement européen et du Conseil.

 

[Impératif stratégique : un marché intérieur qui agit sur son temps]

Mesdames et Messieurs, l’Europe doit s’adapter et utiliser la force du marché intérieur pour s’imposer dans ce que j’appelle la nouvelle géopolitique des chaines de valeurs.

C’est un impératif stratégique.

Je dirais qu’il s’agit là pour nous, dans un monde toujours plus fragmenté, de reconnaître le marché intérieur à sa juste valeur : comme un levier de puissance, à la fois sur le plan industriel et sur le plan géostratégique.

D’abord au service d’une politique industrielle forte. Le marché intérieur nous donne l’ampleur et la taille critique pour agir.

Une approche industrielle incarnée notamment par le triptyque que nous avons proposé au cours des derniers mois.

En amont, un règlement sur les matières premières critiques pour un accès sûr et durable aux matières premières nécessaires à notre double transition verte et numérique. Et en aval, deux règlements aux objectifs parallèles : le Chips Act pour une industrie forte des semiconducteurs et le règlement pour une industrie « net zéro » pour renforcer notre base industrielle de la clean tech.

Dans chacune de ces initiatives, nous fixons des objectifs de capacités manufacturières qui vont baliser nos efforts jusqu’à 2030 : 20% des parts de marché mondial pour les chips ; 40% de nos besoins en termes de déploiement pour les technologies propres. 10 à 40% selon l’étape de la chaine de valeur pour les matières premières critiques.

Et dans les trois initiatives, nous renforçons notre capacité de recherche. Mais nous ouvrons aussi la question du soutien à la production en Europe sur l’ensemble de la chaine de valeur. Car la politique industrielle européenne ne peut plus désormais se réduire à être les meilleurs en recherche. Nous l’avons vu avec les vaccins, et nous le voyons avec les semiconducteurs : être le numéro un de la recherche n’est plus suffisant. Il faut avoir la capacité de produire. C’est cela une politique industrielle européenne, ou plutôt « Made in Europe ». Nous plaçons le marché intérieur comme moteur d’une nouvelle politique intérieure.

Concernant le Chips Act en particulier, nos efforts commencent dès à présent à porter leurs fruits : nous en sommes déjà à plus de 100 milliards d’investissements publics et privés.

Il faut désormais accélérer les projets « net zéro ». Car il y a urgence.

Dans un contexte où nos industries solaires et éoliennes en particulier subissent des pressions énormes – avec notamment les surcapacités chinoises d’un côté et l’Inflation Reduction Act américain de l’autre – nous devons nous mettre en ordre de marche pour accélérer le développement et le déploiement d’une clean tech européenne.

Pour cela, nous devons nous donner les moyens d’atteindre ces objectifs, notamment en montant en puissance sur les compétences, car nous allons avoir besoin, dans un temps très court, de centaines de milliers de nouveaux talents pour porter notre transition verte et numérique. Vous aurez certainement l’occasion d’en discuter plus amplement cet après-midi avec mon ami Nicolas Schmit.

Vivre avec son temps, c’est aussi réaliser que le numérique n’est pas une discipline séparée, il doit faire pleinement parti du marché intérieur. C’est pourquoi ces dernières années, je me suis attaché à adapter notre marché intérieur aux nouvelles formes de modèles économiques et d’activités, tirées notamment par le numérique.

Avec le Digital Services Act et le Digital Markets Act, nous avons – enfin – organisé notre marché intérieur numérique pour protéger nos concitoyens contre le contenu et les produits illégaux et pour que les consommateurs et les entreprises bénéficient d’une plus grande concurrence en ligne. Nous avons ensuite organisé le marché intérieur de la donnée au bénéfice de nos entreprises et start-ups et nous créons un marché intérieur de la cybersécurité.

Bien sûr je dois mentionner la nouvelle loi sur l’intelligence artificielle sur laquelle nous avons trouvé un accord historique vendredi soir, au terme de 38 heures de négociations. Avec la force de notre marché intérieur et des règles claires, nous avons créé une rampe de lancement pour les start-ups et les chercheurs de l’UE, qui mèneront la course mondiale en faveur d’une IA digne de confiance.

Le marché intérieur européen du numérique est désormais une réalité. De 27 marchés fragmentés, nous sommes désormais passé à un marché européen de 450 millions de citoyens avec des règles communes. Et contrairement à ce que j’ai pu entendre ces derniers jours, si l’Europe n’est pas parvenue il y a 15 ans à faire émerger de grandes plateformes, ce n’est pas du fait qu’il y avait trop de règles européennes, mais parce que précisément –  avec 27 marchés nationaux différents – nous n’avions pas un marché intégré de la donnée personnelle! Nous avons tiré les enseignements et nous organisons cette fois l’Europe autour d’un marché de la donnée industrielle intégré, permettant l’innovation tout en investissant dans les infrastructures nécessaires (Cloud, puissance de calcul, ligne pilote semiconducteurs, etc.).

Et nous le faisons autour d’un principe simple que nous avons su décliner dans l’ensemble de nos règlements : des obligations proportionnées aux risques pour le marché intérieur appelant une intervention plus importante au niveau européen pour encadrer les risques systémiques. Lorsque les plateformes numériques représentent par leur taille ou leur puissance de marché un risque systémique pour la société ou pour l’économie, elles sont soumises à plus de règles (ce sont les VLOP et les gatekeepers) ; lorsque les systèmes de IA générative deviennent tellement importants qu’un défaut ferait poser un risque systémique à l’ensemble de l’Union, ils sont plus encadrés ; lorsqu’une vulnérabilité cyber porte en elle un risque systémique pour le marché intérieur, elle doit être traitée au niveau européen. C’est ce que nous avons fait dans les banques. C’est désormais ce que nous faisons dans le marché intérieur numérique.

 

[Le marché intérieur : quel avenir]

Mesdames et messieurs,

Nous avons travaillé sans relâche à renforcer et développer notre plus bel acquis : le marché intérieur voulu par Jacques Delors.

Alors que nous entrons dans un temps de prospective, en préparation des élections européennes et de la prochaine Commission, il s’agit aussi d’apporter quelques éléments pour le futur du Marché intérieur.

Je vois trois axes :

Tout d’abord, le marché intérieur doit s’affirmer comme instrument de résilience et de compétitivité dans la nouvelle géopolitique des blocs.

 

Nous devons établir l’Europe comme troisième bloc, force d’équilibre entre les US et la Chine. Aucun pays de l’Union ne pourra seul rivaliser.

 

Or le marché intérieur est notre principal outil, notre principale force dans les rapports de force qu’une géopolitique des blocs présuppose. Encore faut-il en avoir conscience et avoir l’ambition politique de l’utiliser.

 

L’Union reste bien sûr un continent ouvert, mais à nos conditions et surtout consciente des risques pour sa sécurité, ses dépendances et son positionnement géopolitique. Gérer les risques auxquels l’Europe est exposée, c’est le fondement de notre résilience.

 

C’est ce que font les États-Unis, c’est ce que fait la Chine, c’est ce que nous devons faire : dé-risquer nos relations, pour ne pas nous exposer à une situation de dépendance asymétrique qui jouerait en notre défaveur. Une position plus affirmée et moins naïve qu’auparavant, qui fait écho à la montée en puissance de l’Europe sur les questions de sécurité économique.

 

Je considère que c’est une des tendances fortes qui appelle à une réelle adaptation de notre logiciel politique, économique voire sociétal. Elle est initiée mais devra se poursuivre dans les années à venir.

Cela demandera de revoir des politiques clés telle que la politique commerciale qui devra se rendre compatible avec l’approche de sécurité économique, consciente et actrice de la géopolitique des chaines de valeurs et capable de préserver les intérêts de l’Union dans sa sécurité économique. C’est une véritable révolution, y inclus dans le type d’accord commerciaux que nous conclurons.

Ensuite, nous devons accélérer le marché intérieur dans les domaines clés de la compétitivité européenne.

Je pense par exemple au marché des télécoms, dont nous devrons conduire une réforme majeure pour construire les infrastructures numériques de demain nécessaires pour soutenir la transition numérique et la compétitivité économique. J’ai lancé le travail et nous présenterons un livre blanc d’ici à mars pour donner les pistes de travail.

Nous devons aussi consolider un marché intérieur de la défense condition de notre sécurité. Nous devons développer notre base industrielle européenne de défense et l’adapter aux réalités sécuritaires d’aujourd’hui qui demandent de produire plus et plus vite.

Nous avons commencé avec les munitions pour l’Ukraine. Il s’agit désormais d’élargir cette logique autour d’un programme industriel européen de défense d’ampleur capable de soutenir la remontée en puissance de la base industrielle européenne et de développer les infrastructures nécessaires à la protection des espace contestés. Là encore, investir en commun pour pouvoir agir en commun.

Nous devrons également consolider le marché intérieur de l’énergie. L’énergie, son accès, son prix et son bilan carbone, sont des facteurs clés de compétitivité dans la course mondiale.

 

Nous l’avons vu lors de la crise énergétique : seule une réponse européenne peut permettre d’assurer une sécurité d’approvisionnement, la solidarité nécessaire entre États Membres, et surtout une modération des coûts pour les entreprises et les citoyens. Nous avons avancé avec la proposition « market design », mais nous devrons aller plus loin.

Plus loin pour mieux intégrer nos énergies décarbonées, les amener depuis les nouveaux centres de production décarbonée vers les nouveaux centres de consommation. Car la bataille de la lutte contre le changement climatique se gagnera en électrifiant encore plus massivement notre continent. Et en développant les nouvelles infrastructures nécessaires y attenant.

Nous avons aussi d’énormes progrès à faire pour accélérer le marché unique des capitaux. Car je le dis sans détour, nous avons pris beaucoup – beaucoup trop – de retard dans l’accomplissement de l’Union des marchés de capitaux. C’est devenu aujourd’hui le principal frein à notre compétitivité. Nous devons parvenir à mieux mobiliser les investissements privés, pour faciliter l’accès aux marchés des start-ups, des PME et des ETI, et pour financer les ambitions immenses et les transitions auxquelles l’Europe est confrontée

Enfin, et c’est mon troisième axe, nous devons je crois repenser les moyens budgétaires de nos ambitions.

En effet, face aux turbulences géopolitiques, à la perspective de l’adhésion de l’Ukraine et à moyen terme d’une Europe à 30 voire 35 États Membres, nos équilibres budgétaires d’aujourd’hui ne sont plus pertinents.

 

Nous le savons : sans moyen commun supplémentaire au niveau européen, les États Membres font du chacun pour soi, en ayant recours aux aides d’État, qui fragmentent le marché intérieur, car tous n’ont pas les mêmes marges budgétaires pour faire les investissements nécessaires aujourd’hui.

 

Sur les aides d’État, vous connaissez ma position. J’ai toujours soutenu que si l’on défend le marché intérieur et des conditions de concurrence équitables, on ne peut pas soutenir les aides d’État nationales comme alternative à des solutions de financement communes au niveau européen. Sans la capacité d’établir des instruments budgétaires communs, notre seule alternative est le chacun pour soi, source de fragmentation.

En un mot, dans la nouvelle géopolitique des chaines de valeurs, on ne peut pas être à la fois frugal et ami du marché intérieur.

Nous devons sortir des dichotomies délétères entre « Frugaux » et « Club Med ». Car si l’on regarde les efforts faits par chacun, depuis 20 ans, pour contribuer à nos biens communs que sont la stabilité financière, la défense du continent et la lutte contre le changement climatique, on se rend compte que la vertu européenne est une notion plus subjective qu’on ne le pense.

Chacun doit balayer devant sa porte : redresser ses finances publiques, rattraper son retard d’investissement dans la défense ou effacer sa dette carbone.

 

C’est aussi pourquoi nous devons privilégier les actions communes et les instruments financiers européens. Il n’est pas possible que l’Europe continue ainsi à avancer avec un budget équivalent à 1% de son PIB. Emprunter en commun comme nous avons su le faire avec le fonds de relance, doit être pérennisé.

 

[Conclusion]

Vous l’aurez compris, Mesdames et Messieurs le marché intérieur est, je dirais, l’alpha et l’oméga de notre projet européen.

J’entends parfois aussi qu’il y a une « fatigue du marché intérieur ». Je ne le crois pas.

Je pense qu’il y a plutôt un manque de focus ou de volonté de s’attaquer aux chantiers les plus difficiles. Pourtant les 4 dernières années – quatre années de gestion de crises – ont montré que lorsque la volonté politique est présente, nous pouvons avancer avec détermination.

Voici en quelques mots, comment je vois le présent et l’avenir du marché intérieur. Beaucoup de grands chantiers, mais aussi des avancées décisives qui doivent nous conforter dans notre détermination à rendre l’Europe plus forte, plus compétitive, plus résiliente.

À avancer vers une Europe Puissance.

Je vous remercie.

 

Lien vers le discours sur le site de la Commission européenne