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10/10/11

[EN] Feuille de route du président Barroso

Le « discours sur l’état de l’Union » prononcé récemment par José Manuel Barroso arrive à point nommé pour nous rappeler le rôle crucial de la Commission européenne, en particulier en cette période marquée par des crises de toutes sortes. Il illustre une vision stratégique particulièrement utile et se présente comme une feuille de route qui nous offre un certain nombre de points d’analyse importants et de lignes directrices pour l’avenir.

1 – Un diagnostic pertinent de la situation critique dans laquelle se trouve actuellement l’Union européenne

Le discours du président Barroso a tout d’abord le mérite de nommer clairement la crise actuelle. Il ne s’agit pas seulement d’une crise financière, économique et sociale (qui, d’ailleurs, a des répercussions bien au-delà de la zone euro), mais aussi, pour l’UE, d’une « crise de confiance politique », de « volonté politique » et de « leadership politique », dont l’issue est avant tout politique. Si cette crise est relevée comme un défi par toute une génération de décideurs, elle pourrait même leur permettre de jeter les bases d’un « renouveau européen » fondé sur des réponses adaptées aux problèmes les plus urgents, sur la mise en œuvre d’initiatives audacieuses à moyen terme et sur la consolidation des fondements du processus de construction européenne.

Tout comme l’euro, l’« espace Schengen » est également considéré à juste titre comme un acquis qui doit être préservé afin de « ne pas tolérer un recul des droits des citoyens ». Dans ce contexte, le président Barroso souligne à juste titre que le « printemps arabe » est avant tout une bonne nouvelle pour l’UE, tout comme les changements en cours à ses frontières orientales, que nous ne pouvons juger uniquement à l’aune des flux migratoires illégaux qu’ils ont engendrés ou pourraient encore engendrer à l’avenir.

2 – Remettre heureusement les décisions européennes en perspective

Dans son « discours sur l’état de l’Union », le président Barroso souligne également avec force que l’UE a pris des décisions très structurelles au cours des derniers semestres : après avoir souligné l’importance des plans d’aide européens aux pays en difficulté et des opérations de la BCE et du FESF (Fonds européen de stabilité financière), il se félicite de l’adoption des six documents renforçant la gouvernance économique de la zone euro. Dans le même ordre d’idées, en expliquant que le sauvetage de la Grèce « n’est pas un sprint mais un marathon », il plaide à juste titre en faveur d’une vision à plus long terme, contrairement à l’impatience affichée par les marchés financiers et l’opinion publique.

Cela ne fait que renforcer son argumentation lorsqu’il déplore la lenteur des processus décisionnels européens. En pointant du doigt « le carcan de l’unanimité » et la nécessité d’une Europe plus différenciée, il ne fait que constater ce que beaucoup d’autres ont également vu comme une leçon à retenir une fois de plus, une leçon que les situations d’urgence mettent encore plus clairement en évidence. À ce stade, il est en mesure de préciser le contenu potentiel des « coopérations renforcées » dont il parle et qui semblent à la fois inévitables et souhaitables pour nous permettre de mieux agir « dans l’unité de la diversité ». Son discours doit être lu à contre-jour pour saisir le fondement politique de l’inertie communautaire : la Commission ne peut pas tout faire, elle a besoin du soutien du Parlement européen, mais surtout de celui des gouvernements nationaux dans un cadre juridique et politique conçu pour renforcer le pouvoir du Conseil européen. Nous ne pouvons que soutenir et relayer l’appel à la responsabilité lancé par le président Barroso à cet égard.

3 – Une stratégie globale pour sortir de la crise de l’Union économique et monétaire (UEM)

Les passages relatifs à la crise de l’UEM dans le « discours sur l’état de l’Union » indiquent également les ingrédients de base d’une réponse globale :

  • les interventions du FESF et de la Banque centrale européenne, suivies de l’entrée en vigueur du Mécanisme européen de stabilité (MES), sous le volet « sauvetage », afin de participer notamment à la recapitalisation des banques ;
  • Une réforme du Pacte de stabilité et la mise en œuvre du « pacte Euro plus » et de l’agenda « UE 2020 » pour renforcer le pilier économique de l’UEM, la Commission devant nécessairement adopter une approche plus offensive sur l’ensemble de la question ;
  • Une proposition d’« obligations européennes » conduisant à la mutualisation d’une partie de la dette contractée par les pays de la zone euro, dont l’émission apparaîtra logique et bénéfique une fois que la discipline commune sera pleinement respectée ;
  • La taxation des transactions financières et l’adoption d’une réforme de la réglementation et des méthodes de surveillance financières, dont les multiples défaillances sont l’une des causes de la crise économique actuelle.

Conscient que la mise en œuvre de certaines de ces orientations implique une modification des traités – déjà nécessaire pour le MES –, le président Barroso prend soin de souligner que le lancement d’une grande « négociation institutionnelle » est une question qui se pose à moyen terme. En revanche, il affirme avec fermeté que « la Commission est le gouvernement économique de la zone euro », précisément à un moment où la gouvernance de l’union monétaire semble reposer sur l’interaction entre plusieurs institutions différentes. La nécessité de s’accorder rapidement sur les « modalités pratiques » nécessaires en matière de gestion des crises et de coordination des politiques économiques conduira probablement, dans ce contexte, à un mécanisme moins centralisé (et qui devra avant tout garantir l’existence d’une « chaîne de commandement » européenne parfaitement efficace et légitime).

4 – Le « paquet Barroso » pour la croissance

Le dernier point positif de ce « discours sur l’état de l’Union » est qu’il formule le « paquet croissance » indispensable dont ont besoin les États membres et les citoyens européens. L’UE est particulièrement bien placée pour agir dans ce domaine, dans un contexte où les possibilités de relance keynésienne au niveau national sont extrêmement limitées. Le président Barroso souligne que l’UE va devoir prendre plusieurs décisions cruciales en 2012 :

  • donner un nouvel élan et élargir le marché unique, vingt ans après son approfondissement en 1992, afin de l’aider à tirer parti de son potentiel de croissance encore sous-exploité, notamment dans le domaine des services et de l’économie numérique, sans oublier le domaine de la défense ;
  • adopter le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 afin d’accompagner l’extension du marché unique et de financer les investissements d’intérêt commun, notamment dans le domaine des infrastructures de transport et d’énergie ;
  • améliorer l’utilisation des instruments de financement non budgétaires, notamment les prêts de la BEI et les « obligations de projet », pour lesquels des propositions concrètes seront présentées par la Commission dans les prochaines semaines.

Mais au-delà des propositions individuelles contenues dans le discours, le seul véritable reproche que l’on puisse formuler est qu’une stratégie aussi complète n’ait pas été élaborée et rendue publique plus tôt. Le « discours sur l’état de l’Union » est inévitablement prononcé à une date fixe, mais ce faisant, il gagne en solennité ce qu’il perd en réactivité. Cela dit, nous pouvons sincèrement espérer que les chefs d’État et de gouvernement feront preuve d’une vision et d’une perspective tout aussi globales – le Conseil européen des 17 et 18 octobre leur offrira l’occasion idéale de nous montrer leur détermination à cet égard.