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En Géorgie comme en Moldavie, les dirigeants européens doivent soutenir la démocratie

Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion

Ces jours-ci, des scrutins décisifs ont eu lieu dans deux pays candidats à l’adhésion à l’Union européenne : en Géorgie et en Moldavie. Ces pays, bien que petits en taille, représentent un enjeu majeur pour l’Europe. Non seulement sur le plan géopolitique face à la Russie conquérante et révisionniste, mais aussi pour sa propre cohérence et résilience, car les germes du poutinisme poussent aussi au sein de l’UE, voulant étouffer des plants démocratiques fragiles.

En effet, dans les deux pays se faisaient face les démocrates engagés sur la voie européenne et les forces illibérales, endossant les narratifs du Kremlin sur la décadence de l’Europe, sa nature belliciste et son hostilité aux « valeurs traditionnelles ». Pour les citoyens, le choix devait a priori être simple : la poursuite de l’intégration européenne ou l’acceptation de la domination russe, impliquant la limitation de la souveraineté et l’adoption du modèle politique autoritaire. Pourtant, ce choix d’apparence simple a été constamment brouillé par les forces pro-russes qui diluaient leurs desseins poutinistes en appels pour la « paix » et pour des relations avec l’Europe « dans la dignité ».

Dans les deux scrutins, l’interférence russe était sans précédent : si dans le cas moldave il fallait mobiliser les ressources pour renverser la Présidente et empêcher la victoire du « oui » au référendum sur l’intégration européenne, en Géorgie c’était l’inverse : il était nécessaire de soutenir, d’équiper et d’instruire le régime oligarchique pro-russe qui dirige le pays. En Moldavie, l’ingérence russe a échoué, de justesse. Leurs efforts étaient compliqués par l’absence du contrôle de l’appareil d’état, du moins au niveau central. Les achats de vote et la propagande forcenée n’ont pas suffi.

L’objectif : détruire l’Europe telle que nous la connaissons

En Géorgie, l’usage de l’appareil d’Etat totalement aux mains de « Rêve géorgien », le parti au pouvoir, a été décisif. Grâce à des violations massives de la législation électorale ; à l’absence de la confidentialité du vote ; à l’usurpation de l’identité de milliers de Géorgiens vivant à l’étranger et incapables de se rendre aux urnes ; aux intimidations par la mobilisation par le régime de délinquants et au contrôle total de l’administration électorale, la victoire de l’opposition apparue clairement dans les sondages sortis des urnes a été confisquée. Félicitée par la Russie, la Chine, le Venezuela et Viktor Orbán, le régime s’est déclaré victorieux.

La Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine sont des Etats de première ligne. L’Ukraine est plongée dans la guerre atroce, car Moscou n’a pas réussi à la soumettre par des actions hybrides, utilisées aujourd’hui en Moldavie et en Géorgie. Malgré la différence dans la méthode, l’objectif est le même : il ne s’agit pas seulement de détruire l’avenir européen de ces pays, mais aussi d’affaiblir et de détruire l’Europe telle que nous la connaissons.

Moscou considère qu’elle combat l’Occident, sa civilisation et son modèle politique, social et culturel à la fois dans les pays de première ligne, mais aussi au cœur même de l’UE. Ce n’est pas un hasard si Orbán, se targuant d’être à la tête de la présidence tournante de l’Union, se soit rendu à Tbilisi au lendemain du scrutin dérobé pour le valider, en contredisant explicitement toutes les déclarations de l’UE. Contrairement aux autres leaders populistes de droite en Europe, le Premier ministre hongrois n’est pas hostile à l’élargissement. Au contraire, dans son objectif de transformation de l’Europe en une union façonnée aux goûts de Poutine, il cherche des alliés et se déclare favorable à l’adhésion de la Serbie de Vučić et de la Géorgie de « Rêve géorgien ».

Dans deux jours, le même Orbán accueillera le sommet de la Communauté Politique européenne et le Premier ministre géorgien, frauduleusement élu, siégera entre Emmanuel Macron et Olaf Scholz… Orbán tentera de conférer la légitimité au régime pro-russe, dont l’élection n’est reconnue par aucune démocratie. Les dirigeants européens doivent se montrer à la hauteur pour soutenir la démocratie à l’est, au nom de la défense de l’Europe tout entière.