[EN] La Commission européenne élargie

On ne saurait trop insister sur le fait que l’élargissement qui a eu lieu en mai 2004 a constitué une étape clé du projet européen. Non seulement parce qu’il a abouti à une réunification quasi complète du sous-continent européen, mais aussi parce qu’il a entraîné des changements importants dans les processus et les objectifs de l’Union. Contrairement aux élargissements précédents, celui-ci ne peut être considéré comme une simple opération de routine. Les différences – qu’elles soient économiques, sociales ou politiques – entre les anciens et les nouveaux États membres sont considérables. Le nombre de nouveaux arrivants, et le fait que certains d’entre eux soient de petits pays, ont rendu insuffisants les ajustements mécaniques qui avaient pu être effectués lors des élargissements précédents.
Ce problème n’est certes pas nouveau: il était déjà présent lors du premier cycle de discussions institutionnelles qui a suivi l’échec des tentatives de réforme à Amsterdam, et il a fait l’objet d’une grande attention lors de l’élaboration du projet de constitution. Jusqu’à présent, toutefois, il n’a été abordé que de manière assez aride: combien de membres doit compter la Commission, quelle doit être la répartition des voix au Conseil, des sièges au Parlement, etc. En effet, les implications dynamiques de l’élargissement n’ont guère été discutées, que ce soit en termes de fonctionnement interne de chaque institution ou de relations qui pourraient s’établir entre elles. Si cette question est importante pour chacune des institutions, elle revêt une importance particulière pour la Commission, d’une part en raison de son rôle de moteur du système communautaire et, d’autre part, parce que, contrairement aux autres institutions, ses méthodes de travail, et en particulier le principe de collégialité, pourraient être compromises par un processus d’élargissement mal géré.
Notre Europe a donc demandé au professeur John Peterson, auteur de nombreux articles sur la gouvernance européenne, de réfléchir aux implications de l’élargissement pour la Commission. L’analyse qu’il nous livre dans les pages qui suivent est stimulante à plusieurs égards. Il souligne à juste titre que plus l’Europe devient hétérogène, plus il est nécessaire d’avoir un chef d’orchestre capable de coordonner les différentes sections. Cela peut sembler évident, mais l’esprit intergouvernemental qui prévaut depuis plusieurs années montre qu’il n’en est rien.
Les lecteurs réguliers seront sans doute surpris par le langage sans concession. Tous ne partageront pas les conclusions du professeur Peterson, en particulier son enthousiasme pour la méthode ouverte de coordination. Ils reconnaîtront néanmoins qu’en cette période d’incertitude dans l’histoire de l’Europe, il est essentiel de réfléchir à la manière d’assurer la pérennité du système communautaire. Cette étude constitue une première contribution de qualité à ce débat, qui ne sera pas la dernière.