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15/02/16

[EN] Le test de résistance de Schengen: enjeux politiques et perspectives

António Vitorino et Yves Bertoncini analysent les racines civiques et diplomatiques de la crise dans l’espace Schengen afin d’en diagnostiquer l’ampleur et d’identifier une issue possible dans les mois à venir. Leur document d’orientation combine trois séries de déclarations politiques et de recommandations :

Schengen sous le feu des visions politiques opposées

  • Si tous les Européens s’accordent à percevoir le terrorisme islamiste comme une menace, certains d’entre eux peuvent percevoir les demandeurs d’asile comme des « victimes » et d’autres comme une menace.
  • « Schengen » est pris dans un feu croisé entre les représentations politiques nationales qui surestiment le potentiel protecteur réel des frontières et les représentations pro-européennes qui minimisent les aspects sécuritaires de l’accord initial et la dimension populaire de la libre circulation.
  • Le « dénigrement de Schengen » est utilisé par les autorités nationales désireuses de se décharger de leurs propres échecs et responsabilités face à l’évolution de la crise des réfugiés et face aux menaces terroristes.

Une crise de solidarité, mais surtout une crise de confiance, sur le point d’être réduite ?

  • La création de « hotspots » a le mérite de répondre à la fois au manque de solidarité et au manque de confiance entre les États membres de l’espace Schengen, tout comme le projet de « garde-frontières et garde-côtes européens ».
  • La menace terroriste déclenche une solidarité beaucoup plus émotionnelle entre les pays européens, facilitant l’adoption de mesures de sécurité au niveau de l’UE, mais comment parvenir à un échange fluide et fructueux d’informations entre des pays européens qui continuent de s’espionner mutuellement ?
  • Une course contre la montre, qui s’achèvera en 2018, oppose l’européanisation de la surveillance des frontières extérieures et la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières nationales, qui constitue une mise en œuvre et non une « suspension » du code Schengen.
  • Les Européens vont-ils maintenir une position visant à préserver les droits liés à l’adhésion à Schengen (plus de liberté et de coopération policière et judiciaire) tout en acceptant d’assumer davantage les obligations qui en découlent (en termes de solidarité et de contrôle des frontières) ?

Plus d’Europe aux frontières, mais aussi au-delà : une question de souveraineté

  • La création de « hotspots » et la relocalisation des demandeurs d’asile doivent être présentées comme des outils de gestion de crise justifiant l’exercice partagé de la souveraineté afin d’être plus efficaces et de bénéficier d’une plus grande légitimité.
  • Il est nécessaire d’agir dans un espace de « souveraineté partagée » où tout et tous circulent librement, y compris les terroristes djihadistes et les réseaux de traite des êtres humains, mais pas les policiers ni les renseignements dont ils disposent.
  • La pression continuera de peser sur l’espace Schengen jusqu’à ce que les Européens se montrent capables de prévenir et de contrôler les crises qui se produisent dans leur voisinage : agir à nos frontières ne sera pas efficace, seule la « puissance européenne » peut contribuer à sauver Schengen.

António Vitorino et Yves Bertoncini concluent leur document d’orientation en soulignant qu’il est beaucoup trop tôt pour annoncer la mort de « Schengen », tout comme il était beaucoup trop tôt pour annoncer le « Grexit » en 2015, et qu’il est même possible que la crise dans l’espace Schengen ait une issue similaire à celle de la crise dans la zone euro, conduisant alors à davantage de solidarité et de contrôle au niveau européen.