[EN] Les biocarburants : une menace émergente pour la sécurité alimentaire de l’Europe ?

Le choix des biocarburants représente pour l’agriculture un pari risqué, tant en termes de revenus promis que de risques encourus. Le pari est si tentant que les biocarburants sont considérés par certains comme une panacée : du point de vue des agriculteurs, ils élargissent leurs débouchés et ouvrent la voie à des marchés plus rentables ; du point de vue des pouvoirs publics, l’amélioration des revenus agricoles grâce aux biocarburants réduirait ipso facto les besoins de financement public de l’agriculture. Mais la conversion aux cultures énergétiques provoque également des bouleversements importants sur les marchés agricoles : l’indexation des prix agricoles sur les prix très volatils des combustibles fossiles favorise l’instabilité du marché et soulève la question cruciale de son impact sur la sécurité alimentaire. La production de biocarburants reste controversée en raison de son impact sur l’environnement. L’Union est donc confrontée à un choix décisif et difficile : doit-elle encourager, y compris financièrement, la conversion d’une partie de ses terres arables à la culture énergétique ?
L’ambition du projet CAP 2013 de Notre Europe est de revoir l’analyse du contexte dans lequel la politique agricole commune a été élaborée en 1957, avant d’explorer les pistes de réforme. En effet, les paramètres et les enjeux qui ont présidé à l’agriculture d’après-guerre ne sont plus les mêmes qu’aujourd’hui, et encore moins ceux d’après 2013, date des perspectives financières à moyen terme de l’Union européenne. Or, les biocarburants font partie intégrante du nouveau pacte qui garantit l’avenir de l’agriculture.
Le pari des biocarburants est en effet tentant pour les Européens. Les prix mondiaux, soutenus par la hausse de la demande non alimentaire (en particulier sur les marchés du sucre, des oléagineux et des céréales), permettraient à la PAC de réduire les droits de douane ou les aides sans provoquer d’abandon des terres. Tenter sa chance avec les biocarburants permettrait également à l’Union d’assurer un niveau de vie équitable à sa population agricole. L’option des biocarburants impliquerait d’ailleurs de faire appel aux aides de la PAC pour stimuler la reconversion des terres en jachère ou des terres cultivées pour l’alimentation.
Cela supposerait enfin que les pouvoirs publics mettent en place des programmes d’incorporation obligatoire des biocarburants dans l’essence et le gazole. En se penchant sur l’étude de l’impact des biocarburants sur les marchés agricoles, Notre Europe va droit au cœur de l’enjeu de la PAC : saisir un nouveau paramètre dont l’impact aura des effets profonds sur l’agriculture de demain.
Au-delà de ses répercussions sur les prix agricoles, les revenus des agriculteurs ou même l’environnement, le développement des biocarburants porte en germe une mutation profonde de la nature même de l’agriculture, dont la finalité ne serait plus de nourrir les populations, mais de produire de l’énergie. Le choc – qui peut être frontal – entre ces deux missions pose la question cruciale des biocarburants : compromettent-ils la sécurité alimentaire ? Joseph Schmidhuber, économiste senior à la FAO, aborde cette question et montre, tout en évitant les simplifications, que la réponse nécessite beaucoup de nuances et de précisions.