[EN] Liberté de circulation de jure et mobilité de facto dans le marché intérieur de l’UE

Dans ce document d’orientation, Nathalie Spath et Paul-Jasper Dittrich, chercheurs à notre bureau allemand, l’Institut Jacques Delors – Berlin, identifient les principaux obstacles auxquels sont confrontés les travailleurs européens dans les autres pays de l’UE et formulent des recommandations pour améliorer la mobilité.
Une grande mobilité de la main-d’œuvre en tant que facteur de production est une condition préalable importante pour gagner en efficacité et augmenter la productivité à long terme au sein du marché intérieur de l’UE, en particulier lorsqu’elle est associée à une grande mobilité des capitaux en tant que facteur de production. Cependant, le fait que tous les citoyens de l’UE aient le droit de vivre et de travailler dans un autre État membre est encore plus important.
La libre circulation des personnes au sein du marché intérieur est l’une des libertés fondamentales de l’UE et est inscrite dans le droit primaire de l’UE depuis 1968. La liberté de circulation de jure est détaillée dans divers règlements et directives du droit dérivé. Cependant, dans de nombreux domaines, ce processus n’est pas encore achevé : il n’existe pas de garanties absolues en matière de portabilité transfrontalière des droits à pension et des prestations sociales. De plus, lorsqu’ils exercent une profession dans un autre État membre, les citoyens de l’UE sont confrontés au fait que de nombreuses professions dans l’UE sont encore réglementées au niveau national et que de nombreuses qualifications professionnelles ne sont pas automatiquement reconnues. Une harmonisation dans ces domaines permettrait à un plus grand nombre de citoyens de l’UE de travailler dans d’autres États membres. L’augmentation des possibilités individuelles renforce le potentiel économique inhérent à la mobilité de la main-d’œuvre.
La liberté de circulation codifiée de jure coexiste avec une mobilité géographique de la main-d’œuvre de facto. En raison de certains obstacles structurels, cette dernière reste nettement inférieure à celle des États-Unis. Cela s’explique en partie par la barrière linguistique et en partie par l’absence d’agence pour l’emploi à l’échelle européenne. Les programmes de mobilité de l’UE, qui prennent également en charge les offres de stages, peuvent aider les jeunes citoyens de l’UE en particulier à améliorer leurs perspectives de carrière dans un autre pays de l’UE. Ces programmes peuvent s’appuyer sur les expériences acquises au niveau national. Une analyse des flux migratoires à la suite de la crise de la zone euro montre que la mobilité a continué d’augmenter en termes absolus et que cette augmentation est largement due à la migration de l’Europe de l’Est vers l’Europe occidentale. La crise de la zone euro a entraîné un flux migratoire du sud vers le nord, même si les chiffres concernés sont relativement faibles. Alors que les taux de chômage restent élevés dans le sud du continent, la demande de travailleurs qualifiés augmente dans d’autres pays. Une politique visant spécifiquement à encourager la mobilité géographique doit tenir compte de ces évolutions.
Le 23 juin, le Royaume-Uni se prononcera sur son maintien ou non dans l’UE. Un vote favorable à la sortie entraînerait une discrimination partielle des travailleurs européens au Royaume-Uni. Dans le contexte de la crise des réfugiés et en réponse au terrorisme islamiste, des voix se sont élevées pour demander le renversement de la politique d’ouverture des frontières. La liberté de circulation, les déplacements quotidiens à travers des frontières ouvertes et l’égalité de traitement des citoyens de l’UE ne vont plus de soi. Il est urgent de trouver un nouveau scénario positif. Celui-ci devrait souligner l’importance de la mobilité de la main-d’œuvre et la manière dont elle peut générer des avantages économiques individuels et généraux pour l’UE.