[EN] Protection sociale: pourquoi l’UE doit-elle tenir ses engagements ?

Selon une idée reçue dans les études européennes, la politique sociale n’est pas un domaine dans lequel l’Union européenne peut faire une grande différence. La solidarité, dit-on, ne peut se développer que dans des sociétés où il existe des frontières claires entre les individus. Ce n’est pas le cas dans l’UE, où les citoyens sont avant tout fidèles à leur propre pays. La redistribution étant un jeu à somme nulle, la méthode de décision à la majorité est nécessaire, ce qui n’est viable que si la légitimité des institutions centrales est clairement établie. Or, la légitimité des institutions de l’UE est considérée comme faible. En outre, comme l’a souligné Gösta Esping-Andersen, plusieurs traditions différentes en matière de protection sociale coexistent au sein de l’UE. Les citoyens sont très attachés à leur modèle national de protection : dans plusieurs pays, celui-ci est même considéré comme un élément clé de l’identité nationale. L’histoire de l’intégration européenne n’a guère contribué à infirmer ces points de vue. La politique sociale a connu des progrès relativement modestes, et les difficultés inhérentes à l’adoption des perspectives financières européennes, compromises par les méfaits du « juste retour », ont montré que redistribution et unanimité sont bel et bien incompatibles.