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Entre Washington et Pékin : l’Europe, grande perdante du retour de Trump ?

Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion

| 28/01/2025

Les nombreuses injonctions de la nouvelle administration Trump : hausse des dépenses militaires, importations de produits américains, velléités territoriales sur le Groenland… contraignent les Européens à faire un choix : s’aligner sur Washington ou miser sur sa propre autonomie stratégique.

  1. Les États-Unis adoucissent le ton envers Pékin

Après des annonces tonitruantes en campagne, le Président Trump a nettement assoupli ses positions. Un « très bon » échange avec Xi Jinping avant même son investiture révèle les préoccupations de court-terme des deux hommes : le rééquilibrage de la balance commerciale et l’arrêt d’exportation de fentanyl vers les Etats-Unis pour l’un ; le maintien de Tik-tok et la non-intervention américaine à Taïwan pour l’autre. Cette posture de pragmatisme ponctuel réveille chez certains la crainte d’une “Chinamérique”, accord entre Washington et Pékin aux dépens des autres puissances, notamment l’Europe.

  1. Un pragmatisme sino-américain qui n’efface pas la rivalité stratégique

Néanmoins, il ne faut pas sous-estimer la tendance de fond : en nommant à la tête de la diplomatie américaine Marco Rubio, l’un des faucons les plus hostiles à Pékin (au point d’avoir été banni du territoire chinois), Donald Trump affiche son intention de contenir la Chine.

Sur le plan commercial, Donald Trump, qui disait du mot « tarif » que c’était « le plus beau du dictionnaire » a annoncé une taxe de 10% sur toutes les importations chinoises. Face à ce protectionnisme, et faisant valoir que les produits européens sont également visés par l’administration Trump, Pékin sera prêt à payer cher le maintien de liens commerciaux forts avec l’Europe afin de poursuivre l’export de ses surcapacités. Cette offensive américaine donne donc à l’UE une carte à jouer dans la négociation avec la Chine.

Sur le plan technologique, la rivalité avec Pékin pousse Washington à poursuivre le découplage et menacer de sanctionner toute coopération approfondie entre l’UE et la Chine dans des domaines sensibles: 5G, IA, semi-conducteurs.
S’aligner ancrerait davantage l’industrie européenne dans l’orbite américaine, au risque de limiter les partenariats d’innovation avec la Chine. À l’inverse, refuser ce durcissement entraînerait inévitablement des frictions avec la Maison-Blanche, tout en encourageant Pékin à se tourner vers le reste du monde.

  1. L’Europe, à la croisée des chemins

Aujourd’hui simple spectatrice devant le défilé des annonces, le dilemme qui se dessine pour l’UE est clair : suivre la ligne américaine de découplage technologique puis économique avec la Chine, devenue “rivale systémique”, ou maintenir une forme d’autonomie stratégique en préservant un certain degré de coopération avec Pékin.

Des voix, comme celle du Premier ministre polonais Donald Tusk s’élèvent déjà pour accepter la hausse des dépenses militaires européenne. Satisfaire Washington est une chose, construire une Europe puissance, redevenue alliée et non vassale des américains en est une autre. Notre priorité n’est pas d’augmenter les budgets mais de coordonner ces efforts au niveau continental, afin de réaliser des économies d’échelle et soutenir l’industrie européenne.

Si la Chine se tient prête à répliquer aux mesures américaines, il n’y a pas de fatalité à ce que l’UE soit la grande perdante de la nouvelle donne. Avec une solidarité renforcée, elle peut encore s’affirmer comme un véritable acteur géopolitique.

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