Décryptage

Est-Ouest, réalité et relativité d’un clivage

Jacques Rupnik, directeur de recherches au centre de recherches internationales de Sciences-Po Paris, analyse le clivage Est-Ouest tel qu’il se présente en 2019, à l’aune des élections européennes.

Trente ans après la fin de la guerre froide et de la division du continent, assiste-t-on au retour d’un clivage Est-Ouest en Europe ? Quinze ans après l’élargissement de l’Union européenne aux pays d’Europe du Centre-Est, faut-il parler de simples divergences politiques ou d’une fracture entre « anciens » et « nouveaux » membres de l’UE sur des questions aussi fondamentales que la démocratie et l’État de droit, la montée du nationalisme et du souverainisme ? C’est la seconde option que suggère le déclenchement de la procédure de l’article 7 du Traité de Lisbonne à l’encontre de la Pologne et de la Hongrie pour atteintes à l’État de droit pouvant, en théorie, mener à la suspension du droit de vote des pays concernés. C’est souvent aussi la lecture privilégiée dans les médias ou dans les déclarations de personnalités politiques des deux côtés d’une ligne de partage ainsi ressuscitée. À l’Ouest du continent, on voit là une menace pour le projet européen et, en France en particulier, une justification rétrospective des réticences envers l’idée même de l’élargissement à l’Est de l’UE (« prématuré » dans la version polie). À l’Est, on se prétend traité en membre de seconde classe de l’Union et l’on s’indigne de « double-standard » et des ingérences de Bruxelles comparées à la tutelle de Moscou autrefois.