[EN] Mutualisation de la dette européenne
Trouver un juste équilibre entre solidarité et responsabilité

Lors du prochain Conseil européen des 17 et 18 juillet, les États membres de l’UE se battront pour trouver un compromis sur le principal projet de la Commission européenne visant à lutter contre les répercussions économiques de la crise du Covid-19 en Europe : un nouveau budget européen de 7 ans soutenu par un instrument de relance temporaire (Next Generation EU) d’un montant de 750 milliards d’euros de dette émise conjointement et qui sera transféré aux pays de l’UE sous forme de subventions et de prêts. Il s’agit de l’une des propositions les plus ambitieuses parmi une longue série de propositions visant à mutualiser la dette européenne.
Si l’emprunt conjoint peut présenter de nombreux avantages, la mutualisation de la dette a toujours été très controversée. Les confrontations entre les pays censés bénéficier ou pâtir de la mutualisation de la dette ont souvent porté sur l’équilibre légitime entre solidarité et responsabilité qu’implique une telle dette. La légitimité démocratique des accords de solidarité et de responsabilité peut être atteinte lorsqu’ils sont efficaces en termes de légitimité des résultats (efficacité économique), de légitimité des moyens (garantie d’une marge de manœuvre suffisante pour la politique intérieure dans la définition des orientations politiques nationales) et de légitimité des processus (fonctionnement transparent et responsable).
Le présent document analyse les accords de solidarité-responsabilité de diverses propositions et formes concrétisées de mutualisation de la dette européenne au cours des dernières décennies afin d’évaluer leurs lacunes et leur potentiel pour trouver un équilibre légitime entre les mécanismes de solidarité et de responsabilité pour tous les États membres de l’UE. Sur la base de cette analyse, nous formulons les recommandations clés suivantes pour les négociations en cours sur la mutualisation de la dette en vue d’une reprise européenne après la crise du Covid-19 :
- Les négociations au sein du Conseil européen ne devraient pas s’écarter du modèle d’un mécanisme spécifique à la crise pour les emprunts supranationaux qui repose en grande partie sur des subventions pour les décaissements. Une approche fondée sur des prêts ou un montant insuffisant de subventions serait préjudiciable et ne permettrait pas d’atteindre la stabilisation macroéconomique substantielle nécessaire pour surmonter la crise actuelle.
- La mutualisation du remboursement de la dette (basée sur des subventions plutôt que sur des prêts) justifie l’inclusion d’un certain degré de conditionnalité. Les critères d’octroi et de versement des fonds devraient être concrets, mais devraient également laisser suffisamment de marge aux pays pour définir leurs propres priorités politiques sans interférer de manière excessive avec la souveraineté nationale, comme cela a été le cas pendant la Grande Récession.
- Le processus d’évaluation des plans nationaux de relance et de résilience financés par Next Generation EU devrait être transparent et permettre la reddition de comptes. Afin de garantir la légitimité et le contrôle démocratique, nous maintenons que la Commission est l’institution la mieux placée pour prendre des décisions à cet égard, sous réserve d’un examen approprié par le Conseil et le Parlement européen.