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INFOLETTRE NOVEMBRE 2022

La nouvelle révolution des transports

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La voiture à essence est sur voie de garage. La fin de la vente des véhicules thermiques neufs à compter de 2035 pose un choix politique européen majeur, désormais scellé. Ce renouvellement du parc automobile s’inscrit dans le cadre des efforts entrepris pour réduire d’ici à 2030 nos émissions de gaz à effet de serre de 55% par rapport à leur niveau en 1990. Une étape vers la neutralité climatique visée pour 2050 qu’exige la lutte contre le réchauffement climatique, dont la languissante douceur automnale nous rappelle l’alarmante progression.

Prenons toute la mesure de ce choix des plus concrets et à horizon proche. D’abord, il montre que la politique peut orienter des décisions économiques, qui n’iraient autrement pas de soi. Deuxièmement, il donne toute sa pertinence à l’échelon européen auquel seul un choix de cette envergure peut être pris pour faire sens écologiquement et industriellement. Enfin, ses conséquences vont bien au-delà du seul secteur automobile. Il va redessiner le paysage le long de nos voiries, où les stations-service laisseront place aux bornes de recharge. Les effets seront aussi sensoriels et sanitaires. Le bruit dans les rues ou sur les bords d’autoroute, l’air respiré en ville… ces pollutions du quotidien se dissiperont. Le mode de vie européen ne sera plus tout à fait le même après cette nouvelle révolution des transports.

Mais comme toute réponse pour des buts les plus louables, elle soulève avec elle d’autres questions. Ce choix, qui répond à un impératif écologique, doit s’articuler avec d’autres exigences. Sociale : la voiture électrique sera-t-elle un produit de luxe ou saura-t-elle devenir accessible à tous ? L’Europe ne doit pas de nouveau donner l’impression d’être avantageuse pour les plus nantis. Autre enjeu social, la main d’œuvre. Une année européenne des qualifications professionnelles, ainsi que se profile 2023, ne sera pas de trop pour répondre aux nouveaux besoins de compétences dans le secteur automobile.

Un parc automobile électrifié implique aussi des infrastructures en adéquation avec les nouveaux besoins de recharge. D’énormes chantiers d’installations et de remise aux normes, dans les résidences, lotissements et autres aires de stationnement, sont à prévoir. Cela requiert des investissements à la hauteur et dans les temps impartis à travers toute l’Europe. Des investissements qu’il conviendra de flécher de manière rationnelle sans céder aux sirènes de pari technologique fondé sur l’hydrogène.

Les enjeux sont aussi d’ordre géopolitique : qui dit électrique, dit batterie, dit donc lithium et cobalt à extraire. Une alliance européenne a été créée pour doter l’Europe de sa propre filière de batteries. Des mines de lithium vont ouvrir – non sans gêner leurs riverains. Des usines de recyclage verront également le jour. L’enjeu est que cette transition vers l’électrique ne créé pas de nouvelles dépendances, synonymes de vulnérabilité exploitable. Idem s’agissant de l’énergie nécessaire à produire l’électricité pour alimenter les bornes de recharge. Sa production, qui doit limiter les émissions de CO2 par cohérence avec l’objectif poursuivi, doit être suffisamment diversifiée pour, ici encore, ne pas créer une nouvelle dépendance dommageable à la quête d’autonomie européenne.

L’enjeu le plus immédiat est commercial. L’exportation et l’importation de véhicules électriques sont déjà en train de nourrir une potentielle guerre commerciale. Avec les Etats-Unis, où l’Inflation Reduction Act est assorti d’une préférence pour la production américaine qui inquiète légitimement les producteurs européens. Sur ce terrain, France et Allemagne se retrouvent et envisagent une préférence européenne si le marché américain n’est pas plus ouvert de son côté. Une task force euro-américaine a été d’urgence mise sur pied pour tenter de calmer les esprits protectionnistes.

Le dernier enjeu et non des moindres est finalement écologique. Aussi vertueuse que soit la voiture électrique lorsqu’on considère l’ensemble de son cycle de vie, elle ne saurait bien sûr devenir l’unique mode de déplacement des Européens. Trains de nuit, vélos urbains, auto-partage, transports publics régionaux,.. la voiture électrique s’inscrit dans une toute nouvelle mobilité active en train de se définir dans l’Union européenne, qui doit rester l’espace par excellence de la libre circulation.