Policy Paper 16

La coopération interparlementaire dans l’UE : l’heure d’un nouveau départ ?

Dans le cadre de la problématique du rôle des parlements nationaux dans l’UE, la question de la coopération entre les parlements nationaux et européen méritait d’être étudiee distinctement.

Depuis quelques années, la problématique du rôle des parlements nationaux dans l’intégration européenne a connu un regain d’intérêt pour deux raisons . Il y a eu d’un côté l’augmentation continue de la part de la législation communautaire dans le travail législatif national. Pour reprendre une estimation approximative de J. Delors, celle-ci représenterait après l’Acte unique de 60 à 80% de l’oeuvre législative des parlements nationaux, ce qui les a conduit à revendiquer une participation plus importante dans le processus décisionnel européen. Il y a eu d’un autre côté un questionnement continu sur le « déficit politique » du Parlement européen . Cette institution, malgré son élection au suffrage universel direct depuis 1979, tarde à s’imposer aux yeux des citoyens européens comme l’instance de représentation de leurs aspirations.

La concomitance de ces deux phénomènes a donné lieu à d’abondantes publications traitant du « double déficit démocratique» de l’UE. Pour l’essentiel, ces travaux se sont focalisés sur la relation entre les gouvernements nationaux et leur parlement respectif, et plus précisément sur la question du contrôle de ces derniers durant la phase de négociation au Conseil des ministres de l’Union. Usant d’une approche comparative, ils ont mis en évidence les inégalités fortes entre parlements nationaux et en ont conclu à la nécessaire convergence des modes de contrôle parlementaire . Toutefois, dans le cadre de ces recherches, la question de la coopération entre parlements nationaux a été minorée. Rarement traitée de façon séparée, cette question ne se confond pas pour autant avec la précédente. En effet, tout en reconnaissant le caractère déterminant pour la résorption du « déficit » de la relation entre le parlement national et le gouvernement, la problématique de la coopération interparlementaire va au-delà . En se focalisant sur les multiples enceintes de rencontres entre parlements nationaux et européen (Conférence des Organes Spécialisés dans les Affaires Communautaires -COSAC-, Conférence des Présidents, Assises, etc. ) , elle pose la question de l’implication des parlements de l’Union dans le schéma institutionnel européen. Or le Traité établissant une Constitution pour l’Europe a souligné l’actualité de cette question.

Deux éléments conduisent à ce constat. Tout d’abord, étant issu lui-même d’une rencontre entre parlementaires nationaux et européens au sein de la Convention sur l »avenir de l’Europe, le Traité constitutionnel s’est naturellement traduit par une coopération entre les acteurs. Bien plus que la COSAC ou toute autre forme antérieure de coopération entre parlementaires, la Convention leur a permis de développer une proximité d’esprit induite par le travail en commun. Elle a, en ce sens, joué un rôle de catalyseur de la coopération. La deuxième raison est intrinsèque au texte du Traité constitutionnel. En effet, ses protocoles 1 et 2 institutionnalisent le rôle des parlements nationaux au sein de l’UE et prévoient une procédure formelle de coopération interparlementaire pour faire respecter par les institutions de l’UE le principe de subsidiarité. Selon l’article 7 du protocole 2, les parlements d’au moins neuf pays pourront obliger les institutions communautaires à réexaminer un projet ne respectant pas ce principe . La Traité constitutionnel crée donc un enjeu commun fort pour des parlements nationaux soucieux de faire respecter leurs prérogatives.

L’actualité de la question de la coopération interparlementaire a motivé cette recherche dont l’ambition est double : d’une part clarifier les logiques qui président actuellement à la coopération interparlementaire au sein de l’UE et, d’autre part, s’interroger à la lumière des innovations introduites par le Traité constitutionnel sur le cadre normatif améliorant cette coopération. Pour ce faire, notre travail se divisera en trois parties. Dans un premier temps, sur la base de sources institutionnelles, académiques et personnelles, un état des lieux de la coopération interparlementaires sera établi. Ensuite, nous nous attacherons à décrypter les attentes dans ce domaine des parlements nationaux eux-mêmes. A cet effet, nous utiliserons les réponses à des questionnaires envoyés entre décembre 2004 et février 2005 aux secrétariats des commissions spécialisées dans les affaires communautaires de chaque parlement. Enfin, dans une dernière partie, nous présenterons des propositions et des recommandations afin d’améliorer les mécanismes actuels de coopération interparlementaire.