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La Cour de Justice de l’UE et la Pologne : premiers frémissements

La canicule, qui a touché tout le continent européen, n’a pas du tout contribué au réchauffement des relations entre la Pologne et l’Union européenne. Au contraire, l’été a été le théâtre d’un durcissement du ton, dû à une récente décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) le 25 juillet 2018. Cette décision fait suite à la saisine opérée par la Haute Cour irlandaise en mai, cette dernière devant statuer sur l’exécution d’un Mandat d’arrêt européen à l’encontre d’un trafiquant de drogue de nationalité polonaise. La juge Aileen Donnelly a émis des doutes sur le fait que les réformes du système judiciaire en Pologne ne garantiraient pas au prévenu un procès équitable, arguant également du fait que la confiance mutuelle entre les juridictions nationales, qui étaye le système du Mandat d’arrêt européen, était remise en cause.

La décision de la CJUE était attendue par les spécialistes constitutionnalistes européens, afin de juger le degré auquel la CJUE pourrait, ou voudrait, jouer un rôle politique en disséquant les supposées atteintes à l’état de droit en Pologne. Sans aller jusqu’à remplir cette fonction, la CJUE a toutefois rendu un jugement critique à l’égard du pouvoir polonais. Les juges européens ont décidé de renvoyer à la Haute Cour irlandaise la responsabilité de déterminer si le prévenu pourrait bénéficier d’un traitement équitable, et donc de l’exécution éventuelle du mandat d’arrêt.

Dans ses considérants, la CJUE a particulièrement mis en avant le fait que la Pologne faisait l’objet d’une procédure au titre de l’article 7(1) : « Les informations figurant dans une proposition motivée récemment adressée par la Commission au Conseil sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, TUE constituent des éléments particulièrement pertinents aux fins » de l’évaluation du fonctionnement du système judiciaire polonais. Sans aller vers une condamnation des réformes, ce considérant peut être interprété comme une indication très claire des inquiétudes de la cour par rapport aux évolutions en Pologne. Au-delà des effets immédiats de cette décision, elle écarte, de manière plus importante, l’argument polonais selon lequel le principe de confiance mutuelle empêche à la justice d’un État membre de remettre en cause le bien-fondé d’un mandat d’arrêt. Dans un second temps, elle ouvre aussi la possibilité pour la justice irlandaise de déterminer s’il y a eu érosion de l’état de droit en Pologne, et si cet état de fait prévient la tenue d’un procès équitable pour le prévenu.

Cette décision est à la fois encourageante, dans la mesure où elle reconnaît pour la première fois qu’un risque caractérisé à l’état de droit se pose en Pologne, mais présente une application relativement limitée, car la justice irlandaise devra borner son enquête au cas du prévenu. Il est toutefois plus qu’imaginable que cela ne sera que le début d’une passe d’armes entre l’Irlande et la Pologne, comme en attestent les réactions polonaises à la décision de la CJUE.

Dans un temps plus long, cette décision pose la base de futurs contentieux dont la Cour pourra être saisie dans le cadre de la réforme du Tribunal constitutionnel polonais, et montre que la CJUE ne rechigne pas, dans des cas bien spécifiques, à entrer sur le terrain politique si tant est qu’une base juridique soutienne sa décision.

En attendant un second épisode, les opposants polonais continuent à s’émouvoir du démantèlement en cours du Tribunal constitutionnel, que la présidente sortante (selon les nouvelles règles) refuse de quitter. En parallèle, le parti au pouvoir a commencé le processus parlementaire afin d’adopter d’une nouvelle loi électorale pour les élections européennes, au terme de laquelle le minimum à atteindre pour être représenté au Parlement européen serait de 16,5%, soit 3 fois le maximum légal, ce qui empêcherait les forces d’opposition d’être représentées à Strasbourg. Cela ne va pas sans rappeler les découpages électoraux en Hongrie : le PiS continue donc à suivre la voie tracée par Budapest.

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