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La France ne se sauvera pas toute seule, ni l’Europe sans elle
Communiqué du Conseil d’Administration de l’Institut Jacques Delors, présidé par Enrico Letta
Les élections européennes ouvrent un nouveau cycle institutionnel dans un climat géopolitique des plus incertains et une préoccupante polarisation des sociétés, que reflètent les résultats du scrutin en de nombreux pays. C’est toutefois une majorité pro-européenne qui est sortie des urnes. Elle a la lourde responsabilité de porter un agenda stratégique pour les cinq prochaines années à la hauteur des défis auxquels l’Union européenne ne peut se dérober. La nouvelle législature va s’ouvrir alors que l’agression russe en Ukraine s’intensifie, que la guerre hybride du Kremlin cherche à nous déstabiliser et que le conflit israélo-palestinien nous divise. L’éventualité sérieuse d’un second mandat Trump risque de mettre l’unité des Européens plus encore à l’épreuve. Redonner de la compétitivité à nos économies face aux concurrences américaine et chinoise et poursuivre leur décarbonation, sans cesse plus exigeante en réponse au réchauffement climatique, vont pousser la résilience de nos sociétés vers leurs limites.
Dans ce contexte à la fois pesant, changeant et éprouvant, l’Union européenne doit entendre les critiques et espoirs sortis des urnes afin d’apporter sa meilleure et juste plus-value. Elle devra franchir de nouveaux pas, comme elle a su le faire face à la pandémie. La défense, la compétitivité économique, la transition verte et la justice sociale appellent des instruments, des accompagnements et des financements européens inédits.
Et d’abord une ferme volonté politique commune, à laquelle la France doit contribuer de toutes ses forces, par ses pouvoirs publics mais aussi par l’engagement de ses citoyens, le concours de ses entreprises, la médiation de ses corps intermédiaires, son tissu associatif et tout ce qui « met la société en mouvement », selon la belle expression de Jacques Delors. La France ne se sauvera pas toute seule, ni l’Europe sans elle. Au moment où les électeurs retournent voter pour des législatives anticipées des plus décisives pour l’avenir du pays, l’heure n’est pas aux aventures extrémistes illusoires, au repli inquiet sur soi, ni à tourner le dos au projet d’Europe unie mais, au contraire, à y prendre résolument toute sa part, avec ambition.