Décryptage
La Moldavie face à la guerre
Entre la prudence et l’abîme
Par Florent Parmentier
Secrétaire général du CEVIPOF, enseignant à Sciences Po et chercheur-associé au Centre de géopolitique de HEC. Il est notamment l’auteur, avec Josette Durrieu, de La Moldavie à la croisée des mondes, Paris, Non Lieu, 2019.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie initiée le 24 février a de profondes conséquences pour l’Europe et les pays du voisinage : ainsi en est-il de la Moldavie, État coincé entre la Roumanie et l’Ukraine indépendant depuis 1991. Solidaires avec l’Ukraine et défendant le principe d’intégrité territoriale, les gouvernants moldaves tâchent pour autant de faire preuve de prudence dans leurs relations avec la Russie, tant pour des raisons internes qu’externes.
Ukraine et Moldavie partagent 939 km de frontières et de nombreux points communs, à commencer par une appartenance passée à l’Union soviétique, ainsi qu’une aspiration géopolitique à se rapprocher dès que possible de l’Union européenne. Traditionnellement, les deux États comptent des minorités croisées (roumanophones en Ukraine et ukrainiennes en Moldavie) de part et d’autre de leurs territoires, tandis que la guerre actuelle a contraint la Moldavie à accueillir de nombreux réfugiés en provenance pour l’essentiel du Sud et de l’Est de l’Ukraine.
C’est donc non sans inquiétudes que les autorités moldaves ont pris connaissance fin avril des déclarations du commandant adjoint des forces du District militaire du Centre de la Russie, Rustam Minnekaïev, qui a évoqué la possibilité de créer un couloir vers la Transnistrie si l’ensemble du rivage de la mer Noire passait sous contrôle russe. La prudence permettra-t-elle à la Moldavie d’échapper au sort de l’Ukraine, ou le conflit s’étendra-t-il prochainement ?