Rapport
La nouvelle architecture institutionnelle de l’Union européenne : une troisième voie franco-allemande ?
La pertinence du moteur franco-allemand et sa capacité à entraîner à nouveau ses partenaires se trouvent mises en doute au moment même de sa relance. Plutôt qu’une analyse théorique, il nous a semblé qu’une approche centrée sur les effets et l’avenir de l’une des propositions faites à la Convention pourrait éclairer la dynamique de l’Europe politique.
Le 22 janvier 2003, la France et l’Allemagne célébraient avec emphase le 40ème anniversaire du Traité de l’Elysée, exprimant par là une forte volonté de relancer la coopération entre les deux pays après les clarifications électorales de 2002. Dans cet esprit, les trois mois précédents avaient été marqués par une série impressionnante d’initiatives bilatérales. Le 24 octobre 2002, un accord informel entre les deux chefs d’Etat permettait le déblocage du délicat dossier du financement de l’Union élargie jusqu’en 2006 et ouvrait la porte à la conclusion rapide des négociations d’élargissement. Puis, non moins de quatre contributions étaient déposées par les deux pays sur le bureau de la Convention européenne, concernant la PESD, l’espace européen de sécurité, de liberté et de justice, la gouvernance économique, et finalement l’architecture institutionnelle de l’Union européenne. Enfin, la célébration proprement dite du 40ème anniversaire du Traité donnait lieu à une déclaration commune, significativement intitulée « L’amitié franco-allemande au service d’une responsabilité commune pour l’Europe ».
Plus d’un demi-siècle après les débuts de la construction européenne, c’était clairement signifier que, les années de réconciliation étant derrière nous, l’horizon d’un renouveau des relations bilatérales ne pouvait être que celui de la construction politique de l’Europe. Il s’agissait de clore la parenthèse qui, de la difficile négociation de l’agenda 2000 au début 1999 à celle encore plus difficile du Traité de Nice en fin 2000, a laissé le sentiment d’une Europe à bout de souffle, en panne d’imagination, de compromis créateurs et, pour certains, de leadership.
Le paradoxe est que cette relance du moteur historique de la construction européenne, bien que d’une certaine façon attendue un peu partout en Europe, au contraire de ressouder les européens sur un projet commun, semble avoir suscité, à propos de la crise irakienne, un des épisodes de division les plus éclatants d’une histoire pourtant riche en la matière. Si l’exubérance même de la relance de la relation Paris Berlin peut expliquer – sinon justifier -une partie des réactions de rejet, il est clair que celles-ci sont autant liées à des facteurs plus profonds tels que la transformation du système des relations internationales ou l’hétérogénéité accrue de l’Union élargie.
La pertinence du moteur franco-allemand et sa capacité à entraîner à nouveau ses partenaires se trouvent ainsi mises en doute – et contestées sur le plan pratique – au moment même de sa relance. Plutôt qu’une analyse théorique, il nous a semblé qu’une approche centrée sur les effets et l’avenir de l’une des propositions faites à la Convention pourrait éclairer la dynamique de l’Europe politique.
Le choix de la contribution sur l’architecture institutionnelle s’impose, pour de nombreuses raisons. D’abord parce que cette proposition touche la question la plus décisive pour le succès de la Convention, celle sur laquelle s’est noué le psychodrame de Nice : elle concerne directement l’horizon assigné à la relance de la coopération franco-allemande. Ensuite parce que cette contribution est emblématique de la meilleure tradition de cette coopération car elle n’aucune vision unilatérale aux autres partenaires, mais propose un essai de « compromis par juxtaposition » entre les positions les plus antagonistes sur le sujet – fédéraliste et intergouvernementale- qui balisent le champ des désaccords raisonnables. Elle laisse ainsi ouverte une large marge d’approfondissement, de mise en cohérence et de perfectionnement, qui pourrait permettre le développement d’une sorte de « troisième voie » entre ces deux modèles classiques. Enfin, et probablement du fait de son caractère ouvert, cette proposition a été dans l’ensemble plutôt bien accueillie, et modérément critiquée par ceux qui auraient pu la recevoir comme contraire à leurs positions antérieures.
S’interroger sur la postérité possible de cette proposition, sur sa capacité à agréger les apports d’autres partenaires et à structurer ainsi le débat constitutionnel, revient ainsi pour nous, sinon à répondre à la question de l’actualité du « moteur franco-allemand », du moins à lui apporter un solide éclairage.
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