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La PESC à travers les discours de Jacques Delors (1995-2002)

Recueil de citations de Jacques Delors sur la Politique étrangère et de sécurité commune.

Dans les circonstances présentes, ne désespérons pas de l’Europe. Soyons patients et pragmatiques. Dois-je rappeler les mises en garde répétées que m’inspiraient les dispositions du traité sans rapport avec les réalités géopolitiques et historiques. Poursuivons notre effort vers une Europe unie, influente et solidaire avec ses moyens procurés par nos progrès antérieurs. »
 

Jacques Delors (25 février 2003)

 

« Tout d’abord l’impotence de la politique étrangère et de sécurité commune. Je laisserai de côté la défense parce que cela m’entraînerait trop loin. Notons cependant, que dans les travaux du Groupe de réflexion, est ressorti un double clivage : celui que nous avions connu, lors de la préparation du Traité de Maastricht, entre ceux qui pensent que l’Europe doit constituer un pilier européen de l’Alliance Atlantique et ceux qui pensent que ceci est inutile et que l’Alliance Atlantique doit être le garant de la sécurité de nos pays. » (…) « J’avais suggéré de ne pas parler de politique étrangère commune mais plutôt « d’actions communes de politique étrangère » chaque fois qu’existent des intérêts communs et de décider à partir d’une majorité surqualifiée, ou bien en accordant à un ou deux pays la possibilité de ne pas participer à une action commune adoptée. On ne l’a pas fait ».

 

Fondation Paul Spaak, Bruxelles, 13 octobre 1995

 

A propos du traité de Maastricht,

« (…) Soyons clair : J’ai exprimé des réserves sur le Traité bien avant sa signature. J’ai regretté à l’époque la manière dont il a été présenté et le fait qu’on ait négligé la politique sociale. J’ai aussi regretté le manque de dimension politique, notamment l’irréalisme des dispositions concernant la politique dite étrangère. (…) »

 

« Europe : l’appel de Jacques Delors », Nouvel Observateur, 7/02/1996

 

« L’Union n’est pas mûre pour une politique étrangère commune. Elle peut mener des actions communes de politique étrangère dans certains domaines où elle se reconnaît un intérêt commun mais, de là à fusionner l’ensemble des politiques étrangères, il y a à mon avis une marge qu’il ne faut pas franchir ».

 

Comité des régions, Bruxelles, 14 novembre 1996

 

« Pourquoi n’y a t-il pas, actuellement, de politique extérieure commune ? C’est parce que certains trouvent tout à fait confortable que les Américains règlent ou ne règlent pas les problèmes à notre place. Tandis que nous, Européens, nous nous faisons les champions de l’aide humanitaire. (…) On ne peut plus accepter cette hypocrisie qui consiste à parler de politique extérieure commune, alors qu’il n’y en a pas, à parler de défense commune, alors que personne ne la fait. Il faut quand même rapprocher les mots des réalités ! ».

 

« Le grand élargissement », Port Bacarès, session internationale de la CFDT, 28 août 1997

 

« (…) Deuxième élément de l’état de l’Union : le volet principal politique du Traité de Maastricht, la PESC. Elle ne progresse pas. (…) Le trouble de la PESC n’est pas qu’une affaire de traité. Il traduit une Europe qui, menacée par le déclin, regarde vers le passé. Un peu comme ces vieux messieurs qui, ayant été très riches et vivant chichement, se réfugient dans leur salon où sont des photos et images de toute leur grandeur passée et n’arrivent pas à en sortir, même si les jeunes générations leur disent qu’il y a encore quelque chose à faire dans la vie. (…) Le Traité d’Amsterdam (…) est un échec. C’est comme si je demandais à un architecte de construire une maison et qu’il me construise une étable ». (…)
En quatrième point de l’approfondissement, la PESC. J’ai pris acte tout à l’heure de la diversité des traditions, des situations géopolitiques. J’avais proposé que le Traité de Maastricht soit rédigé ainsi : chaque fois que les pays membres ont un intérêt commun, ils décident d’une action commune ». C’est beaucoup moins ambitieux que la politique extérieure et de sécurité commune. Si parmi les 15, un ou deux pays ne veulent pas s’associer, ils ne peuvent empêcher les autres de le faire. Deuxième précepte : pour cette action commune, l’Union dispose de tous les moyens dont dispose normalement un Etat : le commerce, l’économie, l’aide financière, l’aide humanitaire, la diplomatie. Ce n’est pas possible dans cette Europe du traité de Maastricht (…) »
(…) les 15 éprouvent les plus grandes difficultés à remplir les ambitions du traité, les désaccords sont flagrants, prenons comme exemple la défense : sur les 15 pays, certains sont neutres et les autres, quand on leur parle de défense européenne, disent « inutile ». Résultat on ne progresse pas (…). »
« Nous ne voyons pas un seul jour où l’Union européenne n’est pas brocardée à cause de son impotence en matière de politique étrangère. C’est la faute aussi aux rédacteurs du traité, qui avaient promis les plus belles choses du monde et qui n’étaient pas réalistes. »

 

« L’Union entre approfondissement et élargissement », Congrès de l’Echo di Bergamo, 14 mars 1998

 

(…) « En ce qui concerne la politique étrangère, est-ce vraiment le cadre institutionnel qui est en cause ? Je ne crois pas que l’introduction du vote à la majorité qualifiée ferait disparaître les difficultés rencontrées dans ce domaine. En réalité, les différences entre les Etats membres rendent très difficile un accord sur les objectifs et les moyens d’une action commune dans le monde d’après guerre froide ». « Ainsi il serait quelque peu artificiel d’attribuer aux institutions actuelles de l’Union l’absence d’une politique extérieure et de sécurité commune : la solution est en réalité à chercher sur le plan politique, sur le plan pratique, voire sur le plan philosophique. »

 

Audition sur la réforme des institutions européennes, Sénat, 16 juin 1999

 

« Le besoin de paix et de sécurité est très fort dans les pays qui sollicitent leur entrée dans l’Union, ne serait-ce que parce que beaucoup ne se sont jamais sentis maîtres de leur destin. d’où l’attrait déjà signalé pour une forme ou une autre d’intégration atlantique et la course de vitesse entre l’OTAN et l’Union, la première apparaissant comme la seule organisation capable, dans l’immédiat, de répondre à l’exigence de sécurité de pays qui n’ont pas oublié les leçons de l’entre-deux guerres, ni l’inefficacité des engagements pris alors par la France et la Grande-Bretagne. En entrant dans l’OTAN, Polonais, Tchèques et Hongrois ont ainsi eu le sentiment d’avoir obtenu une partie au moins de ce qu’ils recherchaient en sollicitant leur admission dans l’Union Européenne. » (…) « Dans les rapports quotidiens entre Etats membres, l’essentiel est de donner des réponses politiques à certaines questions de base. Par exemple : qui veut se donner les moyens de mettre en oeuvre ce qu’on appelle les missions de Petersberg, la participation à des opérations de maintien de la paix, le retour des réfugiés chez eux, l’aide humanitaire et, si besoin est, l’intervention dans une crise pour ramener la paix ? Ou bien, comment chiffrer l’effort militaire européen par rapport à l’Alliance Atlantique et acceptons-nous de partager le fardeau, si l’on veut vraiment un pilier européen de l’Alliance Atlantique ? Ce qui signifie – il faut toujours le rappeler – la possibilité, pour l’Union Européenne, d’assurer précisément, les missions de Petersberg ? »

 

 

Conférence Wallenberg, Aspen Institute, 14 novembre 1999

 

« En ce qui concerne les affaires étrangères et la défense, l’effet d’annonce du Traité de Maastricht a été trop fort et les corrections secondaires du Traité d’Amsterdam n’ont pas empêché la stagnation. Le Conseil européen parle d’actions communes, non sans emphase et il produit des textes de 20 à 30 pages, sur l’action commune avec la Russie par exemple, présentés de telle façon qu’ils sont indéchiffrables pour les citoyens et inutilisables pour les diplomates ou pour les autres professionnels qui devraient s’y référer.  »  » (…) il faut se fixer cinq objectifs essentiels : Expérimenter des actions communes de politique étrangère. Je dis bien des actions communes – je ne dis pas une politique étrangère unique à laquelle je ne crois pas – avec l’appui précisément de la force de projection, et avec tous les atouts dans la même main. l’Europe ne peut mener une action de politique étrangère que si celui qui la conduit a dans les mains la force militaire, la capacité diplomatique, les atouts économiques, financiers ou autres. Or ce n’est pas le cas actuellement et il reste à démontrer que l’introduction de Monsieur PESC y remédiera. Pour l’instant, se prononcer serait téméraire mais ce ne sera pas facile, croyez-le. »

 

 

Europartenaires, Paris, le 13 janvier 2000

 

« (…) la politique étrangère. Il ne faut pas occulter les différences. Je sais que tous les pays ont donné leur accord pour la force de réaction rapide. Mais enfin, consultez-les, voyez, ceux qui traînent les pieds, ceux qui disent : on laisse faire les autres. Et même quelques grands pays qui se disent ; on avance aveuglément à Quinze, cela permet à 3 ou 4 de diriger l’affaire dans une sorte de hiddengroup. C’est pour ça d’ailleurs qu’il n’y en a pas beaucoup parmi les grands pays qui défendent ces idées de différenciation. Pour être honnête, il faudrait distinguer les orientations générales des actions de politique étrangère, de leur mise en oeuvre. Et une fois qu’on aurait eu des orientations de politique générale avec deux ou trois pays qui auraient dit : je ne suis pas d’accord, je m’abstiens, mais je ne vous empêche pas, la mise en oeuvre pourrait faire l’objet d’une coopération renforcée. » (…)

 

 

Conférence Mouvement Européen France, 6 juillet 2002

 

« Le problème de la construction d’une défense européenne se pose : mais comment devons-nous faire si certains pays de l’Union estiment que les actions de prévention des conflits ou de consolidation de la paix sont de la compétence exclusive de l’OTAN ? Pour les nouveaux Etats membres – mais pas seulement – l’Union doit s’occuper de l’économie alors que les équilibres internationaux sont de la compétence de l’Alliance atlantique. Cela me déplaît, mais C’est un fait. Nous en souffrons mais nous ne pouvons rester avec les mains dans les poches en attendant que cela change ! Comme pour les actes de politique extérieure, lorsqu’il se révélera nécessaire d’aller de l’avant immédiatement, qui est disposé à franchir le pas, sachant que cela ne sera pas exempt de risques et de sacrifices financiers ». (…)

 

Entretien avec B. Guetta, l’Espresso, 30 janvier 2003

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