Rapport

La question du gouvernement européen

Dans le prolongement de l’étude de Philippe de Schoutheete et d’Helen Wallace sur le Conseil européen, Jean-Louis Quermonne s’interroge sur « la question du gouvernement européen ». Après que le Praesidium de la Convention européenne ait rendu public le squelette du futur Traité-constitutionnel, la question ne manque pas d’actualité.

Elle demandera aux conventionnels, pour reprendre une expression que j’affectionne, « d’être inventeurs de simplicité ».

Si le problème de l’Exécutif européen a déjà fait couler beaucoup d’encre et suscité de nombreuses vocations, il ne saurait se ramener à la désignation d’une personnalité symbolique, qu’on l’appelle Président, Premier ministre ou Secrétaire européen. Aussi, l’un des premiers apports de Jean-Louis Quermonne est de rappeler que l’élargissement des missions de l’Union européenne nous place au-delà du simple débat sur la gouvernance en faisant ressortir le besoin de quelque chose qui se situe du côté du gouvernement. C’est-à -dire d’un organisme qui, dans des rapports clairs avec les autres institutions de l’Union, soit capable de prendre et d’exécuter des décisions.

Je retiens de ce travail argumenté un certain nombre de clefs. Tout d’abord, l’on ne saurait confondre simplicité et simplisme. La nature de la construction européenne est, depuis sa création, de concilier deux sources de légitimité : celle des Etats membres qui se traduit par des procédures intergouvernementales ; et celle d’institutions communes qui ont pour origine une relation directe avec les citoyens européens. La question ne peut donc être de choisir entre l’intergouvernemental et le supranational mais, comme l’a excellemment rappelé Valéry Giscard d’Estaing, Président de la Convention, de tirer le meilleur des deux pratiques.

Jean-Louis Quermonne nous invite également à écarter le contresens qui assimile parfois la méthode communautaire avec l’orientation supranationale, alors qu’elle relève d’une première synthèse entre celle-ci et l’intergouvernemental. De même, la Commission est trop souvent perçue comme un organe apolitique – pour ne pas dire technocratique – alors que de par sa composition comme de par son rôle, elle s’est affirmée comme une institution politique dont la légitimité démocratique a maintenant besoin d’être renforcée.

De la double légitimité qui est au principe de l’Union, l’auteur déduit un schéma institutionnel fondé sur le concept de  » gouvernement mixte », déjà exposé dans un texte publié par le Conseil d’administration de Notre Europe sous la forme d’une démarche plus que d’une proposition définitive. Ce « gouvernement mixte » mettrait en synergie le Conseil de l’Union et la Commission, sous une même présidence, afin de gérer en commun le « cadre institutionnel unique » mis à mal par le cloisonnement des « piliers ».

Au moment où beaucoup de réflexions cherchent, visiblement ou hypocritement, à contourner, voire à affaiblir, la Commission européenne, je voudrais insister sur ce qui se dégage de l’analyse de Jean-Louis Quermonne. Si la Commission n’est pas une instance de « droit divin » et ne peut prétendre au monopole de la fonction gouvernementale, sa présence active au sein de ce gouvernement dans une Union de vingt-cinq ou trente Etats devra rester centrale. Car elle est consubstantielle à l’inspiration initiale qui a permis à l’Europe d’apporter à ses Etats et à ses peuples la plus-value irremplaçable dont ils jouissent aujourd’hui. Chaque phase de réel progrès de la construction européenne s’explique, en grande partie, par le rôle central de la méthode communautaire. A la veille d’un élargissement d’une ampleur sans précédent, qui va confronter l’Union européenne au défi du nombre et mettre à rude épreuve sa cohésion et sa capacité d’agir, la mission d’une instance en charge de la cohérence de ses actes s’impose plus que jamais, sauf à lui faire courir « les yeux ouverts »-ou pire encore « les yeux fermés »- le risque de dilution.

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