
L’actualité européenne en cette période estivale laisse un goût amer et un sentiment mêlé : assistons-nous au début de la fin ou aux prémices d’un sursaut ? La réponse reste incertaine, tant ce sursaut se fait attendre. Une chose est sûre cependant : il nous faut y répondre vite, très vite.
C’est dans cette perspective que s’inscrivent nos récentes publications, tirant les leçons d’une séquence qui illustre, plus que jamais, l’asymétrie des relations transatlantiques. Coincée entre ses intérêts commerciaux et la guerre en Ukraine, l’Europe a choisi de préserver à tout prix une bonne entente avec Washington. L’accord commercial annoncé le 27 juillet en Écosse en témoigne : illustration flagrante d’un déséquilibre assumé, il aura des conséquences durables. Dans son blogpost Après Turnberry…, Pascal Lamy rappelle « le prix à payer pour cette reculade » : un prix politique probablement sous-estimé, qui acte la faiblesse de l’Union, valide les critiques américaines sur ses excédents commerciaux et viole les règles de l’OMC. Cet accord pèsera lourdement sur la crédibilité européenne, à la fois interne et externe.
Nos travaux plaident aussi pour plus d’ambition et pour « oser l’Europe », seule voie possible dans un monde brutal et fragmenté. Ce n’est pas seulement la conviction des Instituts Jacques Delors à Paris, Berlin et Bruxelles : c’est aussi celle des citoyens européens, qui l’expriment eurobaromètre après eurobaromètre. Daniel Debomy le montre dans son blogpost Etats-Unis dévalorisés, désir de défense européenne et soutien consolidé à l’Ukraine.
Pourtant, le paysage politique évolue rapidement à Bruxelles. Comme le souligne Isabelle Marchais dans sa note pour l’Observatoire politique du Parlement européen, Un an après les élections, un Parlement profondément instable, le scrutin de juin 2024 n’a pas consolidé les équilibres traditionnels comme initialement attendus. Au contraire, il a ouvert sur un nouvel ordre politique : les priorités se déplacent, la compétitivité, la simplification administrative et la lutte contre l’immigration illégale reléguant la transition verte au second plan. Signe des temps.
Or, sur les objectifs climatiques de 2030, Phuc-Vinh Nguyen rappelle dans sa tribune publiée par Les Échos que « le défi est plus politique que technique ». La réussite dépend désormais de la capacité des décideurs à résister aux sirènes populistes et à mobiliser toutes les forces vives. Plus qu’un outil de régulation, le Pacte vert devra devenir un véritable projet de société fédérateur.
La Commission, de son côté, a dévoilé en juillet sa proposition pour le prochain cadre financier pluriannuel (2028-2034), que nos collègues Eulalia Rubio, Johannes Lindner, Nils Redeker et Romy Hansun décrivent comme une réponse à « une équation presque impossible ». Ils identifient quatre principes clés pour guider les négociations : concentrer l’investissement sur des priorités communes, préserver la flexibilité, réformer la PAC et la politique de cohésion dans le cadre de plans intégrés, et admettre qu’une réforme en profondeur nécessitera plus de ressources. Bertrand de Cordoue complète l’analyse en insistant sur L’équation compliquée du futur budget de l’UE consacré à la défense : un débat qui portera autant sur le montant global (autour de 25 milliards d’euros) que sur son articulation avec les budgets nationaux, l’équilibre entre R&D, production et achats groupés, ou encore les synergies avec le spatial.
L’élargissement figure aussi à l’agenda de nos travaux. Dans un policy paper publié en juillet, Benjamin Couteau plaide pour Renforcer la crédibilité de l’Union européenne dans les Balkans occidentaux et propose sept priorités pour un récit stratégique européen fédérateur, allant des garanties de sécurité au rôle des sociétés civiles.
La relation avec la Chine reste, elle, marquée par l’ambivalence : Elvire Fabry et Sacha Courtial rappellent dans leur infographie sur 50 ans de relations diplomatiques et le 25e sommet UE-Chine que les échanges sont passés de 2 milliards d’euros par an à 2 milliards par jour, sans jamais parvenir à un véritable équilibre.
Nos collègues de Berlin et Bruxelles n’ont pas été en reste cet été. Au Centre Jacques Delors à Berlin, Jannik Jansen analyse L’industrie automobile européenne en transition : au point mort ou prête à passer la vitesse supérieure ?. Il constate que, face à l’électrification rapide menée par ses concurrents mondiaux, l’Europe reste entravée par l’absence de stratégie commune et le surcoût persistant des véhicules électriques. Il plaide pour une politique industrielle coordonnée afin d’éviter un déclin structurel du secteur. À Bruxelles, Giorgio Gallizioli et Paola Ladisa examinent l’avenir incertain de la pêche européenne dans leur papier Comment l’Europe peut-elle assurer le meilleur avenir possible aux pêcheurs européens ?. Ils appellent à une stratégie cohérente, combinant innovation, soutien financier et gouvernance renforcée pour garantir la résilience et l’attractivité de la profession.
Enfin, sur notre site, vous pouvez également retrouver le discours de Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la Prospérité et à la Stratégie industrielle, lors de la conférence Jacques Delors du 20 juin à la Banque de France Marché unique : levier d’une économie compétitive, inclusive et durable. Il y rappelle qu’« au regard du contexte géopolitique et commercial actuel, les premiers partenaires économiques des Européens doivent être les Européens eux-mêmes ».
Bonne lecture à tous et bonne rentrée.