Rapport
Le Conseil européen
Dans le bouillonnement de réflexions et de propositions institutionnelles qui accompagne les travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe, pratiquement rien n’est dit sur la place et les fonctions du Conseil européen. De même, dans l’abondante littérature consacrée aux institutions européennes, les références à cette instance font figure d’exception. Le texte d’Helen Wallace et Philippe de Schoutheete contribue à combler une partie de ce vide surprenant.
D’autant qu’ils se sont livrés à cet exercice dans un souci de pragmatisme et de clarification qui me parait parfaitement adapté au sujet. Le fait de n’avoir pas eu de base juridique de 1975 à 1986 et de continuer à se passer de ce qui pourrait s’apparenter, de près ou de loin, à un règlement intérieur, n’a en effet pas empêché le Conseil européen d’être à l’origine de toutes les décisions majeures depuis un quart de siècle, qu’il s’agisse de l’Union Economique et Monétaire ou de l’élargissement, pour ne citer que deux exemples. Ce n’est également pas le moindre des paradoxes que cette enceinte, intergouvernementale au point d’avoir suscité des craintes lors de sa création, ait été depuis le moteur permanent de l’approfondissement de l’intégration européenne.
Il est ainsi devenu évident que le Conseil européen joue, et doit continuer à jouer, un rôle
irremplaçable d’impulsion dans la construction permanente de l’Europe politique. Il est tout aussi clair que les élargissements successifs ont conduit à des dysfonctionnements que le quasi doublement à venir des membres de l’Union risque de rendre explosifs. Pour reprendre la désormais fameuse formule de Tony Blair, « on ne peut pas continuer à travailler comme cela ». L’analyse très claire à laquelle se livrent nos auteurs des différentes fonctions de ce Conseil permet de cerner ces dysfonctionnements de manière féconde quant aux pistes de réformes qu’ils appellent.
Je remercie nos deux auteurs de ne pas avoir cédé à la tentation de propositions fracassantes, mais d’avoir cherché à baliser le champ du raisonnable dans les trois directions qu’ils ont retenues : l’instauration de règles de procédure, la revitalisation de la fonction « affaires générales » du Conseil des Ministres et la redéfinition du rôle de la Présidence. Dans le même esprit, leur travail est parsemé de considérations d’un bon sens bienvenu, telles que l’inutilité de charger l’ordre du jour avec des questions qui mènent à des échecs programmés et retentissants ou le danger d’une approche trop théologique de l’opposition entre intergouvernemental et communautaire, que toute l’histoire du Conseil européen nous invite à dépasser. A la condition que l’on laisse jouer à la Commission la plénitude du rôle que lui ont assigné les fondateurs de l’Europe. C’est en effet la Commission qui peut à la fois assurer la continuité de l’action et proposer des innovations, ou des pas en avant. C’est elle qui, comme le montre l’expérience, peut permettre au Conseil européen d’aller à l’essentiel et de ne pas se perdre dans un agenda trop chargé et illisible pour le citoyen.
Avec cette étude brève, claire et documentée, Notre Europe s’honore de rendre disponible, sur un sujet peu analysé « le document de référence qu’attendaient tous ceux qui s’intéressent aux institutions européennes » comme on le dit souvent quoique de façon pas toujours aussi pertinente.