Policy Paper N°296

Le Pacte vert européen face à la montée des droites conservatrice et radicale

Citer cette publication

Thalberg K., Defard C., Chopin T., Barbas A. & Kerneïs K. « Le Pacte vert européen face à la montée des droites conservatrice et radicale », Policy Paper N. 296, Institut Jacques Delors, janvier 2024


La mise en oeuvre du pacte vert européen se fera dans un environnement géopolitique, social et économique de plus en plus difficile. Par ailleurs, les partis populistes conservateurs et radicaux de droite (dont les Démocrates de Suède et la Rassemblement national et ses équivalents européens) gagnent du terrain dans toute l’Union. Au-delà des facteurs qui expliquent traditionnellement le moment populiste, le succès de ces forces politiques s’inscrit aujourd’hui dans un contexte européen particulier, caractérisé par un fort pessimisme à l’égard de la situation socio-économique en raison des conséquences des récentes crises sanitaires, géopolitiques et énergétiques.

Dans ce contexte, le renforcement de la droite radicale peut être partiellement interprété comme l’expression d’une méfiance à l’égard des institutions et de la capacité des partis politiques traditionnels à répondre aux craintes des citoyens face aux menaces sur les plans national et international. La mise en oeuvre du pacte vert européen nécessite des transformations profondes de nos sociétés très dépendantes des énergies fossiles. Cela peut contribuer à créer un climat d’incertitude important au sein de la population (par rapport à l’emploi, la mobilité, au coût de la vie, à la qualité de vie, etc.) C’est dans ce contexte que s’inscrit l’instrumentalisation croissante par les partis populistes de la droite conservatrice et radicale des politiques énergétiques, climatiques et environnementales à des fins électorales.

Face à ces préoccupations, la droite radicale intègre l’opposition au pacte vert européen dans ses discours nationalistes, identitaires et anti-immigration. En outre, elle met en avant les potentielles conséquences négatives des politiques vertes en matière de redistribution des richesses. Les expériences des États membres où les partis populistes de droite radicale sont influents montrent que leur montée en puissance est en partie l’expression d’une frustration politique suscitée par la détérioration des conditions de vie et la menace du déclassement. La réponse des partis de la droite radicale consiste alors à se replier sur la protection des intérêts nationaux et à s’opposer à toute « ingérence de Bruxelles ». Ces positions se manifestent au Parlement européen à travers les votes des deux groupes rassemblant la droite conservatrice et radicale, ECR (le groupe des Démocrates de Suède et les Frères d’Italie, récemment rejoint par Reconquête !) et ID (dont fait partie le Rassemblement national), sur les propositions du pacte vert européen.

Alors que les récentes élections dans plusieurs États membres signalent un renforcement de la droite radicale avant les élections du Parlement européen en juin 2024, le Conseil européen ainsi que le Parti populaire européen (dont fait partie les Républicains) affichent une ambivalence croissante à l’égard de l’ambition et de la mise en oeuvre du pacte vert européen. Cependant, pour éviter une instrumentalisation accrue des politiques vertes par la droite radicale et garantir la poursuite de l’ambition climatique, il est urgent de développer un discours alternatif pour le pacte vert européen, accompagné de réponses politiques concrètes visant à restaurer la confiance. Face aux discours eurosceptiques, l’UE doit montrer qu’elle contribue, avec les États membres, à apporter des réponses communes reposant sur la solidarité. À cet égard, il est essentiel de mettre en place des politiques et des mécanismes de gouvernance efficaces qui garantiraient à l’ensemble des citoyens et des parties prenantes que leurs préoccupations individuelles et collectives sont bien prises en compte par les décideurs politiques européens.

À cette fin, le pacte vert européen devrait incorporer davantage de mesures d’accompagnement, de protection et de dialogue. Cela permettrait non seulement d’améliorer l’efficacité et la légitimité des politiques climatiques et énergétiques, mais aussi de renforcer la confiance dans notre capacité collective à réaliser une transition verte qui bénéficie à tous.

  1. Accompagner et protéger les personnes et les territoires en prenant en compte les différences en matière d’impact de la transition et de capacité de changement. Cela pourrait passer par une augmentation du budget européen dans le but de financer des programmes d’infrastructures propres et une politique industrielle verte véritablement européenne, un renforcement du soutien aux ménages et aux régions les plus vulnérables, ainsi qu’une politique active en matière d’emploi et de compétences.
  2. Développer une gouvernance plus ouverte, interactive et inclusive pour favoriser un dialogue constructif, notamment en garantissant l’accès à des données de qualité en matière d’énergie pour améliorer l’évaluation des politiques publiques, en entretenant un dialogue plus approfondi entre les parties prenantes et les décideurs politiques pour prendre en compte les expériences des acteurs sur le terrain en matière de politique publique, et en organisant des assemblées citoyennes pour proposer des mesures socialement acceptables sur les questions d’énergie et de climat.

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