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Le Parlement européen est-il à droite?
Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion
Le Parlement européen élu en juin 2024 est bien différent de ses prédécesseurs. Les rapports de force politiques ont évolué, l’ambiance a changé, le contexte européen et international aussi.
Suite aux élections de juin 2024, le groupe PPE (centre droit) est arrivé en tête, en augmentant le nombre de ses députés (de 176 lors de la précédente législature à 188 aujourd’hui, sur un total de 705 députés). Il est suivi du groupe S&D (socialistes et sociaux-démocrates) qui régresse légèrement (139 à 136). Le groupe Renew (centre) subit une forte déconvenue (102 à 75), il est relégué à la cinquième place.
L’alliance des intérêts entre le Fidesz, parti de Victor Orban, qui a été exclu du PPE, et le Rassemblement national qui souhaitait s’écarter de l’AFD, parti de l’extrême droite allemande, a permis la constitution d’un nouveau groupe » les Patriotes pour l’Europe », devenu la troisième force politique du Parlement avec 86 députés, suivi par le groupe des « conservateurs et réformistes », dominé par le parti de Giorgia Meloni. L’AFD et quelques autres se sont regroupés avec quelques autres, dans le groupe de l’Europe des nations souveraines (25 députés).
En d’autres termes, le groupe PPE devient le groupe pivot de l’Assemblée, alors que l’ensemble des groupes situés à droite détiennent la majorité absolue. A l’inverse, la majorité progressiste d’antan, qui frôlait la majorité absolue (S&D, Renew, Verts, le groupe de la gauche européenne) n’existe plus.
Le Parlement européen est-il pour autant passé à droite?
Il est encore trop tôt pour faire un bilan des premiers mois de la législature, le second semestre de 2024 ayant été consacré à la mise en place de la nouvelle Commission présidée par Ursula von der Leyen, élue par le Parlement européen.
Plusieurs signaux d’un glissement à droite de l’hémicycle caractérisé par des alliances entre le PPE et l’extrême droite sont apparus. Par exemple, le 3 avril, cette alliance a permis le rejet d’un amendement visant la mise en place d’un comité d’éthique pour renforcer la lutte contre la corruption, qui avait été proposé par les groupes S&D, Renew et Verts.
Sur le fond, les priorités de l’Union européenne ont profondément changé par rapport à la dernière législature, très largement dominée par le Green Deal (Pacte Vert).
Aujourd’hui, les maîtres mots sont sécurité et compétitivité. L’intégrité du Green Deal, fortement critiqué par les droites, n’est plus assurée.
Mais des signaux de convergence entre les groupes considérés comme pro européens (PPE, S&D, Renew, Verts), qui ont élu la Commission européenne, apparaissent aussi. La présidente de la Commission avait elle-même défini les lignes rouges concernant l’alliance avec l’extrême droite, selon la formule » pro Europe, pro Ukraine, pro État de droit ».
Ainsi de votes intervenus sur les futures perspectives financières de l’UE, révélateurs de cette convergence, s’opposant à une refonte du budget, telle qu’elle sera sans doute bientôt proposée par la Commission européenne. Cette question du financement des politiques européennes sera un des sujets clés des mois à venir.
Quels que soient donc les glissements à droite sur des dossiers spécifiques, l’esprit de compromis entre les principales forces politiques pro européennes, qui nécessite certes d’intenses négociations au quotidien, semble demeurer, favorisé par le nouveau leadership allemand et une conjoncture internationale qui met de plus en plus l’Europe au défi.