Rapport
Le regard des autres : le couple franco-allemand vu par ses partenaires
Nous avons demandé à six spécialistes de s’interroger sur la capacité du «couple» franco-allemand à jouer le même rôle moteur que par le passé.
| 29/04/2004
Couple, axe, tandem ou simplement partenariat : les mots ne manquent pas pour décrire la place centrale tenue par la coopération franco-allemande dans la construction de l’Europe.
Cela s’explique aisément, non pas simplement en raison du poids politique et économique de ces deux pays, mais par des considérations d’ordre historique : d’entrée de jeu, c’est-à -dire dès le lancement du Plan Schuman, la réconciliation franco-allemande a figuré au premier rang des motivations. Un des mérites de la méthode communautaire fut précisément d’enfermer dans un schéma vertueux de coopération des pays dont les affrontements antérieurs avait ensanglanté l’Europe. Par la suite, la coopération franco-allemande gagnera ses titres de noblesse en se révélant une source de propositions qui devaient permettre de nombreuses avancées de la construction européenne : système monétaire européen, renforcement de la coopération politique, accords de Schengen, etc
Rien du tout cela n’aurait été possible si les initiatives conjointes des deux pays n’avaient suscité l’adhésion de leurs partenaires. Cela allait de soit pour les pays fondateurs, qui avaient appris à leurs dépens que l’antagonisme franco-allemand pouvait avo ir pour eux des conséquences redoutables. Au fil des précédents élargissements, les adhérents successifs ont eux aussi fini par réaliser l’intérêt qu’il pouvaient avoir à laisser la France et l’Allemagne, dont les intérêts divergeaient souvent, chercher un terrain d’entente préfigurant le compromis européen.
Cette situation pourra-t-elle durer après l’élargissement ? La réponse dépend bien sûr pour partie de la qualité des propositions que Paris et Berlin voudront – ou pourront- avancer. Mais elle tient aussi à la manière dont les autres gouvernements perçoivent la coopération franco-allemande et de l’a priori positif ou négatif dont bénéficieront ces propositions.
De ce point de vue, la crise diplomatique qui a entouré le débat sur l’intervention irakienne doit nous inciter à réfléchir. Elle a mis en lumière que la vision géo-stratégique des nouveaux membres ne coà¯ncidait pas nécessairement avec celle de Paris et de Berlin, et qu’elle pouvait déboucher sur des coalitions alternatives. Elle a aussi montré l’aversion que certains pays pouvaient éprouver pour ce qui leur apparaissait, à tort ou à raison comme des visées hégémoniques. Bref, il y a quelque raison de s’interroger sur la capacité du « couple » franco-allemand à jouer le même rôle moteur que par le passé. S’agit-il d’un phénomène passager ou d’une mutation structurelle ? Faut- il envisager d’ouvrir le cercle à d’autres partenaires privilégiés, comme on l’a fait avec la Grande-Bretagne en matière de défense ?
Ce sont là quelques unes des questions que nous avons posées à plusieurs spécialistes des questions européennes. Leurs contributions montrent bien qu’il n’y a pas de réponse univoque possible. Du reste, le résultat des récentes élections espagnoles a mis en évidence le fait que les positions nationales ne sont pas figées dans le marbre. Néanmoins, une conclusion émerge clairement des analyses contenues dans les pages qui suivent : pour que le partenariat francoallemand puisse jouer un rôle moteur, il devra être clairement mis au service d’ambitions européennes, plutôt que des intérêts particuliers aux deux pays.