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Le triomphe d’Orbán

Raisons d’une victoire plus écrasante qu’attendue

Recueillant plus de 54% des voix, le parti du premier ministre sortant remporte haut la main les législatives en Hongrie au terme d’une campagne où il a multiplié les promesses sociales, su retourner la conjoncture internationale en sa faveur, dominer l’espace médiatique, sans que le bloc uni mais hétéroclite de l’opposition sache convaincre de sa crédibilité.

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Citer cet article:
Macek L. 2022. «Le triomphe d’Orbán. Raisons d’une victoire plus écrasante qu’attendue», Blogpost, Paris: Institut Jacques Delors, 6 avril.


Jusqu’au soir du scrutin du 3 avril 2022, l’image dominante pour décrire les élections législatives en Hongrie était celle d’un « match serré ». Les sondages donnaient à peu près tous pour favori le premier ministre sortant, Viktor Orbán, tout en suggérant qu’il ne s’imposerait pas aussi facilement que lors des trois élections précédentes (en 2010, 2014 et 2018). Finalement, les résultats se révèlent meilleurs que prévus. Avec plus de 54% des voix, ils marquent un véritable triomphe pour le Fidesz (tableau 1). Le seul bémol : comme en 2016 à propos des quotas migratoires, le référendum organisé cette fois-ci en parallèle avec les législatives, portant sur l’éducation sexuelle pour mineurs autour notamment des questions d’homosexualité et de transidentité, n’est pas valide, faute d’avoir recueilli des bulletins valables au nombre supérieur à 50% des électeurs inscrits.

Pourtant, toute une série de facteurs devaient a priori rendre la tâche plus ardue pour Viktor Orbán. Citons, en vrac, le bilan de la crise sanitaire[1]. Une situation économique qui commence à se dégrader, avec le retour de l’inflation, un affaiblissement du forint[2],  sur le fond d’une performance économique de long terme plutôt terne en comparaison avec les autres pays de la région (tableau 2). A la tête du gouvernement depuis 2010, on pouvait aussi supposer une forme d’usure du pouvoir d’ Orbán, sur fond d’une perception d’un fort niveau de corruption par l’opinion publique. Un certain nombre d’affaires impliquant son entourage ont fait objet des révélations de la presse, qu’il s’agisse des présomptions de malversations ou des affaires de mœurs, avec notamment la fin spectaculaire de la carrière politique de József Szajer. La relation de plus en plus conflictuelle avec l’Union européenne, mise en évidence par la rupture avec le PPE (Parti populaire européen, droite) et l’échec de Victor Orbán à créer autour de lui une dynamique européenne, ne devait a priori rien arranger face à une opinion publique majoritairement europhile. Si on y ajoute le fait que pour la première fois, le premier ministre devait affronter une opposition unie – élément essentiel compte tenu du système électoral hongrois – la tâche semblait en effet plus complexe.

Devant l’invasion russe en Ukraine, n’était-il pas raisonnable de supposer que le discrédit profond de Vladimir Poutine aux yeux d’une très large proportion d’Européens rejaillirait sur le leader européen réputé proche du Kremlin ? Le parallèle entre l’Ukraine de 2022 et la Hongrie de 1956 n’allait-il pas résonner dans la population hongroise, y compris et même surtout au sein de l’électorat du Fidesz ? Viktor Orbán n’allait-il pas payer cher sa visite à Moscou, seulement quelques semaines avant le 24 février, où il revendiquait encore un « modèle hongrois » qui consisterait à être membre de l’UE et ami de la Russie de Vladimir Poutine ?

Dans ce contexte, comment expliquer ses résultats spectaculaires aux élections ? Commençons par l’élément d’explication le plus évident et le plus avancé par l’opposition et ses sympathisants à l’étranger. Le combat s’annonçait d’emblée inégal : déjà en 2018 la mission d’observation de l’OSCE a conclu à des élections « libres, mais pas entièrement équitables ». Quatre ans plus tard, l’OSCE estime que les législatives hongroises ont été « entachées par l’absence de règles équitables ». Citons les deux éléments les plus saillants :

  • Un paysage médiatique dominé par le Fidesz, en particulier de manière sans partage dans les médias publics.
  • Une force de frappe financière très inégale entre le gouvernement et l’opposition, avec un système des dépenses de campagne peu protecteur du fair play électoral, avec « un financement opaque de la campagne» et «une frontière brouillée» entre les messages de promotion du gouvernement, financés par le budget de l’État, et ceux du parti Fidesz de Viktor Orbán (dixit l’OSCE).

Fort de cette force de frappe médiatique et financière de « l’Etat Fidesz », Viktor Orbán a pu imposer un certain nombre de narratifs qui ont rendu peu audible la dénonciation par l’opposition des éléments de fragilité de son bilan évoqués ci-dessus[3]. Ainsi, il a su faire oublier les ratés de la gestion de la crise sanitaire et « survendre » ses succès économiques, en ne cessant d’insister sur la situation calamiteuse de l’après-crise financière de 2008, associée au bilan de la gauche hongroise et notamment de l’ancien premier ministre, Ferenc Gyurcsány. Ce dernier reste pour beaucoup de Hongrois, en particulier pour la base électorale du Fidesz, l’objet d’un rejet absolu.

De fait, sous l’ère Orbán, la situation économique de beaucoup de Hongrois s’est améliorée. Par ailleurs, si le début des difficultés économiques et, en particulier, le retour de l’inflation auraient pu mettre le gouvernement sortant en difficulté, là encore il a su retourner la situation en sa faveur en profitant des ressources publiques à sa disposition. Ainsi, des mesures telles que le plafonnement des prix des carburants et surtout de certains biens alimentaires de première nécessité sont devenues un formidable outil de campagne électorale pour le gouvernement, chaque commerçant devant mettre en évidence un panneau indiquant que « le gouvernement a décidé d’introduire un gel des prix des biens alimentaires de base », contribuant ainsi à véhiculer l’idée d’un gouvernement volontariste, socialement sensible et protecteur, aux antipodes de l’image du début du mandat, lorsque le gouvernement a dû faire face à la contestation contre la « loi d’esclavage »[4]. Plus généralement, le gouvernement ne s’est pas privé de multiplier des « cadeaux électoraux », comme des augmentations des rémunérations de diverses catégories d’employés publics, une hausse du salaire minimum de 19,5% ou encore le remboursement de l’impôt sur le revenu. Une panoplie de mesures sociales pour séduire l’électorat avec lequel l’opposition ne pouvait pas rivaliser.

Enfin, pour compléter le tableau, citons un autre exemple flagrant de l’inégalité des chances électorales : d’un côté, le vote des Hongrois de l’étranger appartenant à la minorité hongroise dans les pays voisins, qui votent massivement pour Fidesz, est rendu très facile, avec notamment le vote par correspondance. De l’autre côté, rien n’est fait pour faciliter le vote des citoyens hongrois séjournant à l’étranger, une population qui, elle, a tendance à voter contre le Fidesz[5].

Toutefois, ces inégalités de départ ne sauraient pas, à elles seules, expliquer la déroute de l’opposition. Force est de reconnaître que Viktor Orbán a su, au fil des années, se construire une base électorale large et solide. Une fois de plus, il a fait preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’un sens de communication politique hors pair, en retournant à son avantage le contexte international qui, pourtant, aurait pu a priori le mettre en difficulté. Il a su – certes, servi par le rouleau compresseur de la communication gouvernementale déjà évoqué – imposer un narratif centré sur la paix et la stabilité, dont il serait le garant, face à une opposition peinte en va-t-en-guerre irresponsables, préférant des intérêts étrangers à ceux des Hongrois.

Vu l’ampleur de la victoire, il semble évident que ce discours a très largement prévalu sur le narratif de l’opposition, qui sommait les Hongrois de « choisir entre l’Europe et Vladimir Poutine ». Si cela peut surprendre, au regard notamment de la mémoire de l’écrasement de la révolution de 1956, il y a un certain nombre d’éléments qui permettent sans doute d’expliquer le succès du narratif orbánien. A la différence de la Pologne ou de la République tchèque, où on constate une forte identification avec l’Ouest face à un Est, incarnée notamment par la Russie, perçue comme une menace, en Hongrie – et en particulier dans l’électorat de Viktor Orbán – l’idée d’une Hongrie qui serait un pont entre l’Ouest et l’Est est assez populaire, développée d’ailleurs de temps à autre par les dirigeants du Fidesz[6]. Par ailleurs, rappelons les tensions entre la Hongrie et l’Ukraine, liées aux droits de la minorité hongroise, ou encore le fait que les médias proches du Fidesz ont tendance à reproduire au moins partiellement le discours russe sur l’Ukraine[7] – autant d’éléments qui permettent d’expliquer pourquoi le discours sur la neutralité et la priorité à donner à la paix et la sécurité pour les Hongrois, qu’ils vivent en Hongrie ou en Ukraine, a pu convaincre une forte proportion d’électeurs.

Enfin, il ne faut pas occulter les responsabilités de l’opposition elle-même. Le choix comme tête de liste de Péter Márki-Zay a surpris mais il paraissait pertinent et à même de faire vaciller une partie de l’électorat du Fidesz, en pariant sur un leader conservateur malgré une forte présence des partis de gauche au sein de l’alliance anti-Orbán, élu d’une petite ville périphérique – qui a su battre, dès 2018, un maire sortant dans un des bastions réputés imprenables du Fidesz. Toutefois, son manque d’expérience politique a sans doute constitué un handicap aux yeux des électeurs, surtout dans un contexte de crise. Et un certain nombre de propos controversés ont pu désarçonner sa base électorale et fournir des arguments à la campagne du Fidesz[8]. Les doutes sur la crédibilité du candidat de l’opposition rejoignaient ainsi ceux sur la coalition hétéroclite, composée de six parties[9] aux profils politiques très différents, qui le soutenait : sur sa capacité à maintenir l’unité au-delà des élections et à gouverner, sur la sincérité du « recentrage » du Jobbik, un parti clairement positionné à l’extrême-droite il y a encore quelques années, ou sur le rôle de l’ex-premier ministre Ferenc Gyurcsány.

Là réside le fond du problème de l’opposition hongroise : son incapacité à tourner la page après l’épisode calamiteux du gouvernement Gyurcsany 2006-09 et à faire émerger, en douze ans, une personnalité capable de rivaliser avec Viktor Orbán, tant sur le plan du talent et flair politiques, que sur celui de la notoriété et de la crédibilité. Parier sur un outsider inconnu du grand public qui émerge seulement à quelques mois de l’élection, alors que l’accès aux médias et les moyens financiers à sa disposition sont fortement limités en comparaison avec les moyens du Fidesz, était sans doute la cause la plus fondamentale de l’échec – dont la responsabilité n’incombe pas à Péter Márki-Zay, mais aux partis politiques qui l’ont soutenu. Les stratèges du Fidesz ne s’y sont pas trompés, en agitant l’épouvantail de la victoire éventuelle de l’opposition assimilée à un retour des socialistes de Ferenc Gyurcsany et en présentant Marki-Zay comme une marionnette entre les mains de ce dernier et en désignant systématiquement la coalition d’opposition comme « la gauche »[10].

Le triomphe électoral de Viktor Orbán oblige ses critiques et adversaires – hongrois comme étrangers – à admettre une vérité amère : à l’évidence, le thème de l’érosion de la démocratie et de l’état de droit n’est pas une priorité pour la majorité des citoyens hongrois. Ce n’est pas sur ce terrain qu’on peut, à ce stade, battre le Fidesz. Le scénario slovaque de 1998[11] ou celui des dernières législatives tchèques[12], où le thème de la défense de la démocratie, de l’état de droit et de l’ancrage à l’Ouest du pays a été déterminant pour permettre la victoire d’une alliance hétéroclite face à un leader controversé, n’arrive pas à se matérialiser en Hongrie.

Outre les défaillances déjà évoquées de l’opposition hongroise et le talent politique incontestable de Viktor Orbán, d’autres facteurs structurels expliquent sans doute cette spécificité hongroise : la nostalgie post-impériale liée au traumatisme du traité de Trianon de 1920, la question obsédante quant aux chances de survie d’un peuple non-Slave, qu’est le peuple hongrois, entouré de Slaves[13], une perception de sa propre spécificité en tant qu’un peuple à la fois occidental (grâce notamment au christianisme) et oriental (grâce aux affinités avec les peuples turcophones, ainsi que le mythe sur ses origines huns). Enfin, un clivage particulièrement fort entre une capitale surdimensionnée, Budapest, devenue le seul bastion de l’opposition, et le reste du pays[14].

Tout ceci fait que l’ « orbánisme » n’est pas une simple parenthèse et l’Union européenne devra continuer à chercher sa voie pour faire face à la contestation « illibérale » en son sein. Viktor Orbán est évidemment revigoré par son triomphe – son discours au soir des élections l’a montré très clairement.

Il n’en reste pas moins que, malgré cette victoire domestique, Orbán apparaît aujourd’hui plus isolé et davantage sur la défensive sur la scène européenne. Ses alliés les plus proches, les trois autres pays du groupe de Visegrád (Pologne, République tchèque et Slovaquie), ont pris leur distance[15]. Et à moins qu’une percée de l’extrême-droite ne créé la surprise lors des échéances électorales prévues en 2022, en France, en Suède ou en Autriche, il ne sera pas facile pour le dirigeant hongrois de changer cette situation. Marque de cet isolement, la Commission von der Leyen vient  de déclencher à son encontre le nouveau mécanisme de conditionnalité au respect de l’état de droit pour le versement des fonds européens. Dès lors, se pose la question sur quelle stratégie politique Orbán va parier durant son quatrième mandat : une fuite en avant dans la surenchère et les provocations à l’encontre des partenaires européens, comme il l’a fait dès sa victoire, ou une tentative de « calmer le jeu » et de retrouver une place dans le mainstream européen ?


Tableau 1

Résultats de la coalition Fidesz-KDNP depuis 2010

NB : Le mode de scrutin et le nombre de députés ont été modifiés en 2011.
* listes régionales en 2010
** résultats provisoires, au 6 avril 2022 (98,96% des votes comptabilisés)

Tableau 2


Notes

[1] Selon les données de Johns Hopkins University, au 5 avril 2022, la Hongrie se situait à la 4ème place mondiale en nombre de décès liés à la COVID-19 rapporté au nombre d’habitants (465,82 pour 100.000 habitants), https://coronavirus.jhu.edu/data/mortality.

[2] La monnaie hongroise a atteint un taux historiquement bas contre l’euro, le 7 mars 2022 (397,9 HUF pour un euro, alors que depuis deux ans le taux oscillait entre 340 et 370 HUF et au début du mandat précédent, en 2018, il se situait autour de 310 HUF).

[3] Un bon exemple résumant les grandes lignes de ces narratifs est fourni par la tribune de Zoltán Kovács, secrétaire d’Etat en charge de la communication internationale pour Euronews (dans le passage intitulé « Hungarians will remember government’s 2021 achievements ») : https://www.euronews.com/2022/01/14/hungary-rigged-election-claim-is-as-cynical-as-it-is-absurd-view

[4] C’est ainsi que les opposants ont appelé une loi, adoptée en décembre 2018, permettant aux employeurs d’avoir un recours massif aux heures supplémentaires tout en les rémunérant dans un délai pouvant aller jusqu’à 3 ans. Cf. https://www.la-croix.com/Monde/Europe/A-Budapest-mobilisation-contre-droit-lesclavage-2018-12-14-1200989709

[5] Ainsi, sur un nombre estimé de plusieurs centaines de milliers de citoyens hongrois expatriés, seulement 65.716 se seraient inscrit pour un vote aux ambassades (https://hungarytoday.hu/emigrant-hungarian-work-live-study-abroad-uk-vote-april-3-election/).

[6] Citons par ex. le président du parlement hongrois, Laszló Kövér : https://dailynewshungary.com/house-speaker-hungary-acts-as-a-bridge-between-east-and-west/

[7] On trouve des illustrations de cette reprise des « éléments de langage » russe par exemple dans cet article : https://www.politico.eu/article/russia-war-narrative-hungary-disinformation/

[8] Cf. l’article précité de Zoltán Kovács.

[9] Coalition démocratique (DK, ex-socialistes), Jobbik (extrême droite « recentrée »), MSZP (socialistes), Dialogue pour la Hongrie (écologistes), LMP (écologistes), Momentum (libéraux).

[10] Cf. le discours clé de la campagne prononcé par Viktor Orbán le 15 mars 2022 : https://abouthungary.hu/speeches-and-remarks/speech-by-prime-minister-viktor-orban-on-the-174th-anniversary-of-the-hungarian-revolution-and-war-of-independence-of-184849

[11] Une coalition de 5 partis, alliant des chrétiens-démocrates conservateurs, des libéraux, des sociaux-démocrates et des écologistes, a battu le leader aux tendances autoritaires, Vladimir Meciar, au pouvoir depuis 1993.

[12] Le premier ministre controversé Andrej Babiš a dû céder le pouvoir à un gouvernement composé de 5 partis, une coalition également très hétérogène, alliant notamment la droite eurosceptique, trois partis différents affiliés au Parti populaire européen et le Parti pirate (orienté plutôt à gauche).

[13] Le philosophe et poète allemand Johann Gottfried Herder a prédit, au XVIIIème siècle, la disparition prochaine de la nation hongroise, trop petite et trop différente de ses voisins… Un thème qui réapparaît régulièrement dans le débat politique hongrois, cf. par exemple ce discours de Viktor Orbán : https://abouthungary.hu/speeches-and-remarks/address-by-prime-minister-viktor-orban-at-the-2nd-international-conference-on-the-persecution-of-christians

[14] Cf. les résultats électoraux : sur les 106 circonscriptions uninominales, l’opposition a gagné 16 sièges sur 18 possibles à Budapest, mais seulement 2 en dehors de la capitale. Même Péter Márki-Zay n’a pas su gagner la circonscription incluant la ville dont il est le maire, n’obtenant que 39,6% contre 52,4% du candidat du Fidesz.

[15] Les ministres de la défense de République tchèque et de Pologne ont refusé de se rendre à Budapest pour un sommet V4 à cause de la position de Viktor Orbán sur l’Ukraine. La ministre tchèque – pourtant membre du parti a priori le plus proche du Fidesz au sein de la coalition gouvernementale au pouvoir à Prague – a tweeté que « le pétrole bon marché russe est plus importants pour les politiciens hongrois que le sang ukrainien ». Le fait que Viktor Orbán a ajouté le président Zelensky sur la liste des « adversaires battus » lors de son discours le soir de la victoire n’est pas susceptibles d’arranger les choses…

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