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L’élection de Trump, paradoxalement salutaire pour la défense européenne ?

Chronique publiée en partenariat avec L’Opinion

L’élection de Donald Trump pour un second mandat à la Maison blanche n’est pas une bonne nouvelle pour l’Union européenne, mais pourrait-elle, paradoxalement, lui être salutaire ? Ce pourrait notamment être le cas dans le domaine de la défense, où la petite musique monte d’une indispensable émancipation des Européens, trop longtemps placés sous protection américaine.

La création en 1949 de l’Alliance atlantique avait de fait placé les Etats européens, affaiblis par la Deuxième Guerre mondiale, dans une relation de forte dépendance aux Etats-Unis. La relation transatlantique devenait alors un élément essentiel des politiques de défense des Européens. Avec la fin de la guerre froide, les conflits balkaniques avaient conduit à ce que s’expriment des velléités de sortir d’une telle dépendance, mais personne ne crut vraiment qu’une politique de défense à l’échelon européen puisse être crédible sans les Américains. Bien plus, la dépendance fut par beaucoup perçue comme un élément constitutif du lien transatlantique, et du maintien de la présence américaine en Europe.

Plus récemment, la guerre en Ukraine a confirmé la vulnérabilité des Européens, qui ne consacrent à leur défense qu’une faible partie de leur richesse et de leur vision stratégique, et qui seraient sans doute incapables de se défendre (contre la Russie ?) sans un apport politique et capacitaire des Etats-Unis. Mais le déni n’a pourtant pas disparu. Les Européens restent réticents à toute prise de distance à l’égard des Etats-Unis, afin de construire une politique européenne de défense crédible.

Mais auront-ils le choix si Donald Trump décide, de façon insidieuse ou radicale, de remettre en cause l’engagement américain de défendre l’Europe ? Certains textes produits par des institutions conservatrices américaines parlent de « réorientation radicale » de l’OTAN et de la politique américaine en son sein, tandis que le candidat Trump a à plusieurs reprises fait part de son mépris pour l’Alliance atlantique et les Etats qui la composent. Le pire n’est certes pas certain, mais il reste que les Européens n’ont jamais été dans une situation aussi précaire qu’aujourd’hui, pris en étau entre un allié qui se retire et un ennemi – la Russie – qui les menace et de ce fait crée le besoin d’une défense commune.

Dans ce contexte, au moins trois objectifs stratégiques sont de mise. Il convient d’abord de renouer avec un narratif ambitieux sur la souveraineté européenne, laquelle doit se traduire dans le domaine de la défense par une vision claire de ce que les Européens doivent pouvoir faire ensemble, à la fois au sein de l’Union européenne mais aussi en dehors, afin de ne pas exclure les Britanniques. En second lieu, les Européens doivent affirmer leur soutien à l’Ukraine quelle que soit l’orientation américaine sur ce point, en établissant clairement que la défense de l’Europe commence dans le Donbass, et qu’une défaite de l’Ukraine serait dramatique pour la sécurité de l’Europe tout entière. Troisièmement, le plus grand pragmatisme doit prévaloir dans la construction de capacités collectives de défense et dans l’établissement d’une base industrielle de défense européenne. Les efforts faits jusqu’à présent restent en deçà du nécessaire, tandis que les ressources financières ne vont pas aller croissant. Mais aucun Etat européen ne peut aujourd’hui se permettre de penser sa défense en dehors du cadre européen. Sans les Américains, il risque de n’être pas d’alternative à la défense de l’Europe par les Européens.

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